Édition du 24 septembre 2001 / Volume 36, numéro 5
 
  Courrier
La démonisation de la mondialisation

Au Sommet des Amériques sur la libéralisation des échanges, à Québec, la mondialisation a été présentée comme un objet de tiraillement entre ceux qui étaient pour et ceux qui étaient contre. Or, c’est là un faux débat parce que la mondialisation est un phénomène irréversible, en marche depuis bien longtemps déjà (pensons aux empires coloniaux), au rythme de l’évolution des savoirs. Les aspects de cette mondialisation en marche ont été décortiqués, il y a plus de 30 ans déjà, par le canadien Marshall McLuhan (le village global). À longue échéance, on peut penser que cette dynamique nous mènera à une forme quelconque de gouvernement mondial.

Par ailleurs, il faut définir la mondialisation comme l’augmentation des relations économiques, culturelles et sociales à l’échelle planétaire. En effet, on ne saurait restreindre le phénomène à sa dimension purement économique parce que rien ne se fait en vase clos, et l’on ne peut raisonnablement s’opposer à l’augmentation des échanges entre les humains. Les moyens de transport comme les avions gros porteurs et les cargos géants, ainsi que les satellites et les nouvelles technologies de l’information et de la communication, réduisent les distances entre les êtres humains, les pays et les entreprises, qu’on le veuille ou non.

Quand j’étais plus jeune, les enfants avaient des bananes et des oranges seulement pendant la période des Fêtes parce que ces fruits étaient trop dispendieux. Or, aujourd’hui, on peut manger un grand nombre de fruits exotiques, et ce, toute l’année durant. La plus grande «invention» de tous les temps est probablement l’organisation des réseaux économiques à l’échelon mondial. Pas plus la démonisation de la mondialisation que le protectionnisme ou la fermeture des frontières aux étrangers pour des questions de sécurité intérieure n’est une solution valable.

Cependant, au sommet parallèle des Amériques (le Sommet des peuples), de nombreux intervenants ont exprimé des inquiétudes légitimes quant au sort des travailleurs d’ici et, particulièrement, celui des travailleurs des pays du tiers-monde, et par rapport à l’environnement. En effet, les marchés ne sauraient à eux seuls déterminer la condition humaine et la manière dont on doit traiter notre planète terre. On sait déjà que beaucoup de pays sont exclus des échanges commerciaux qui se font principalement entre trois blocs: l’Amérique du Nord, l’Europe et une partie de l’Asie (le Japon, la Corée du Sud, la Chine…) Or, on ne saurait constamment augmenter les écarts de conditions de vie entre les pays sans que cela pose de graves problèmes à l’échelle de la planète.

De même, si l’on peut s’attendre à ce que l’augmentation des échanges commerciaux aide certains pays en développement à donner de l’élan à leur économie, on sait fort bien que certains groupes, ici et ailleurs, vont faire les frais de cette libération des échanges. C’est là qu’interviennent les différentes disciplines des sciences sociales, comme les relations industrielles (la clause sociale dans les traités de libre-échange), les sciences économiques (notez le pluriel, il y a différents courants de pensée et différentes spécialisations en économie), la science politique (analyse empirique des comportements politiques), la géographie (appropriation de l’espace et impacts environnementaux).

Quelques lectures sur le sujet:

Espace mondial, espace commun? Les vrais défis de la mondialisation, Paris, Economica, c1997, 220 p. (L.S.H. HF 1359 E77 1997).
• Marshall McLuhan, The Global Village: Transformations in World Life and Media in the 21st Century / Marshall McLuhan and Bruce R. Powers. Oxford University Press, New York; Toronto, 1989, 220 p. (éd. posthume) (L.S.H. P 96 T42 M35 1989).
• «L’Organisation mondiale du commerce et la clause sociale», Revue internationale du travail, vol. 133, no 3, 1994, p. 448-456.
• Anthony Giles, Anthony E. Smith et Gilles Trudeau (éd.), La mondialisation de l’économie et le travailleur: sélection de textes du XXXIIe Congrès de l’ACRI, Québec, Canadian Industrial Relations Association, c1996, 330 p. (L.S.H. HD 6959 A87 1995).
• James D. Thwaites (dir.), La mondialisation: origines, développements et effets, Saint-Nicolas (Québec), Presses de l’Université Laval; Paris, L’Harmattan, c2000 (L.S.H. HF 1418.5 M66 2000).

Luc Girard, bibliothécaire
Relations industrielles, sciences économiques, géographie
Bibliothèque des lettres et des sciences humaines



 
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