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Le doyen Louis Maheu passe aux actes quant au dossier de l’attrition, qui touche 30 % des étudiants aux cycles supérieurs. |
L’Université de Montréal et la Faculté des études supérieures (FES) offriront un meilleur soutien financier et un meilleur encadrement aux étudiants à la maîtrise et au doctorat.
Voilà deux mesures que le doyen de la FES, Louis Maheu, annonce pour contrer le problème de l’attrition aux cycles supérieurs. Ce taux atteint, en moyenne, 30 % pour l’ensemble des programmes. «Nous voulons ramener cette proportion à 10 % dans chaque unité», a affirmé le doyen à Forum, sans toutefois préciser d’échéancier. L’attrition consiste en l’abandon du programme d’études auquel l’étudiant s’est inscrit initialement. Parmis les étudiants en situation d’attrition, seul 1 sur 10 demeure à l’Université de Montréal dans un autre programme; les autres changent d’établissement ou mettent fin à leurs études universitaires.
L’état de la situation, telle que la rapporte le Bureau de recherche institutionnelle (BRI) dans une étude réalisée auprès de 13 000 étudiants qui ont fréquenté l’Université de Montréal depuis 1988, montre que les secteurs des arts et des lettres, ainsi que celui des sciences humaines et sociales, sont les plus durement touchés par ce problème.
Les étudiants au doctorat dans ces disciplines ont un taux d’attrition de 48 %. Cela signifie que près de un étudiant sur deux ne terminera pas sa thèse. La situation est légèrement moins alarmante au deuxième cycle, mais l’attrition atteint tout de même respectivement 34 % et 32 % chez les étudiants inscrits dans un programme de maîtrise de recherche.
Devant ces résultats, le doyen Maheu a décidé d’agir. Le budget des bourses offertes aux étudiants des deuxième et troisième cycles doublera dès cette année et triplera l’an prochain, passant de deux à six millions d’ici 2002-2003. Mais l’argent n’est pas le seul remède prévu pour redresser la situation. «Au cours de nos consultations, nous avons réalisé que l’encadrement s’avérait un facteur extrêmement important pour garder nos étudiants. Une évaluation de cet encadrement sera faite sous peu à la grandeur de l’Université. Et nous élaborerons des outils et des pratiques efficaces.»
Déjà, le Centre d’études et de formation en enseignement supérieur a été créé afin d’améliorer la persévérance aux cycles supérieurs. Il a organisé une première rencontre le 17 octobre dernier avec des spécialistes de l’enseignement universitaire, notamment Laszlo De Roth et Roch Chouinard.
Situation contrôlée en maîtrise
En ce qui concerne le deuxième cycle, une analyse préliminaire de la part de marché de l’Université de Montréal permet de croire que la situation est sous contrôle. Selon les chiffres obtenus par le BRI (mais qui doivent faire l’objet d’une validation), l’UdeM comptait 21,8 % de tous les étudiants de deuxième cycle du Québec en 1988. Ce taux est descendu à 17,3 % en 1995, mais est demeuré stable par la suite (17,2 % en 1999).
Comment a-t-on réussi à «freiner l’érosion», selon l’expression de M. Maheu? On a instaurer de nouvelles bourses d’admission et mis sur pied des mesures pour améliorer l’encadrement. La FES a pu compter sur un appui soutenu de la direction de l’Université. M. Maheu est d’ailleurs le seul doyen à siéger au rectorat avec le recteur, les vice-recteurs et le secrétaire général.
Au troisième cycle, les nouvelles ne sont pas aussi bonnes. Les étudiants au doctorat comptaient pour près du tiers (29,9 %) de tous les doctorants du Québec en 1988; ils étaient moins nombreux en 1995 (27,1 %) et l’étaient encore moins en 1999 (23,8 %). Cela résulte de plusieurs facteurs, notamment de l’effet de campagnes énergiques de recrutement d’universités concurrentes.
Selon le doyen, l’UdeM doit sans tarder déployer des efforts pour reconquérir sa part de marché. «L’une des forces de l’Université de Montréal est du côté du troisième cycle et cette force n’est pas suffisamment affirmée», estime-t-il.
Tant au deuxième qu’au troisième cycle, la situation est injustifiable compte tenu du fait que l’Université connaît depuis quelques années une hausse de ses inscriptions au premier cycle.
M. Maheu promet de répondre par des campagnes de promotion qui cibleront des candidats «hors Montréal, hors Québec et hors Canada». Cela devrait attirer sur le campus une nouvelle clientèle qui réunira «la quantité et la qualité».
Analyse détaillée
Le doyen insiste pour dire que le sombre tableau de l’attrition mérite d’être observé en détail. «En sciences sociales et en lettres, le portrait global est problématique, mais certains départements obtiennent d’excellents résultats. Inversement, en sciences de la santé et en sciences naturelles, où ça va nettement mieux de façon générale, certaines unités ont un taux anormalement élevé d’attrition. Il faut donc analyser les choses avec prudence.»
M. Maheu refuse de montrer du doigt les départements et les écoles où les taux sont les plus élevés, mais la FES s’adressera de façon individuelle à chacun pour suggérer des mesures correctives. «Si les unités veulent rendre leurs données publiques, ça les regarde, dit-il. Moi, je ne veux pas les mettre dans une position défensive.»
Chose certaine, les taux devront baisser et l’on vise un objectif de 10 %. Par exemple, un département qui accuse 45 % d’attrition devra enregistrer une baisse de 4,5 %; celui qui en a 20 % devra viser une diminution de 2 %.
Mathieu-Robert Sauvé