Édition du 29 octobre 2001 / Volume 36, numéro 9
 
  Témoignage
Hommage à Gérard Hébert

 
Nous avons appris avec tristesse le décès de Gérard Hébert, survenu à Montréal le 16 août dernier. Le professeur Hébert était retraité de l’École de relations industrielles, où il a enseigné la négociation collective et les relations industrielles de 1965 à 1992.

Gérard Hébert a marqué profondément l’enseignement et la recherche en relations industrielles au Québec et au Canada. Avec quelques autres pionniers de sa génération, il a donné aux relations industrielles ses lettres de noblesse universitaires. Ce fut par des études doctorales en sciences économiques faites à l’Université McGill, sous la direction du professeur H.D. Woods, que Gérard Hébert aborda les relations industrielles. Il s’intéressa alors aux décrets de conventions collectives, puis à l’ensemble de la négociation collective. Son étude des décrets l’entraîna aussi dans les dédales des relations du travail dans l’industrie de la construction. Auteur de plusieurs articles et livres, Gérard Hébert a signé, en 1992, son œuvre maîtresse, le Traité sur la négociation collective, un ouvrage phare dans la littérature nord-américaine en relations industrielles.

Les recherches de Gérard Hébert portaient sur les institutions en relations industrielles: il les observait, les décrivait et en analysait le fonctionnement. Ce faisant, il a contribué à élaborer un paradigme en relations industrielles bien distinct de ceux des disciplines mères, comme les sciences économiques, la sociologie et le droit, qui, à l’époque, exerçaient encore une emprise considérable sur ce champ d’études relativement nouveau. Il se permettait aussi de critiquer les institutions qu’il observait, parfois durement, mais toujours avec un grand souci de rigueur et d’objectivité. Il était notamment très méfiant quant aux interventions du législateur à l’égard des parties engagées dans la négociation collective et, parmi elles, principalement le mouvement syndical. Pour lui, ces interventions protectrices et paternalistes, particulièrement la formule Rand, que la loi rendit obligatoire au Québec en 1977, ne manqueraient pas de provoquer une institutionnalisation néfaste du syndicalisme qui l’éloignerait trop de ses membres.

Comme professeur, Gérard Hébert a formé plusieurs générations de spécialistes en relations industrielles. Aucun étudiant n’a oublié son enseignement, dont la rigueur et les exigences étaient redoutables. En fait, il exigeait de ses étudiants ce qu’il s’imposait d’abord à lui-même. Certains ont dû attendre d’être confrontés aux complexités de l’exercice de la profession pour vraiment mesurer toute la richesse de son enseignement.

Le professeur Hébert s’est consacré tout au long de sa carrière à la reconnaissance des relations industrielles comme discipline universitaire. Il fut un des membres fondateurs de l’Association canadienne des relations industrielles (ACRI), dont il a été le président en 1980-1981. Il a reçu le prix Gérard-Dion en 1995 pour sa contribution remarquable au développement des relations industrielles au Canada. Sous l’égide de l’ACRI, il a codirigé les travaux qui ont mené à la publication, en 1988, de L’état de la discipline en relations industrielles au Canada. De la même façon, il s’est grandement engagé dans les activités de la Société royale du Canada, dont il fut membre à compter de 1979, afin de donner aux relations industrielles le droit de cité qui leur revenait.

L’Université de Montréal et particulièrement l’École de relations industrielles doivent beaucoup à Gérard Hébert. Il a mis à leur service toute son énergie, sa loyauté, ses valeurs et ses convictions. Il est un de ceux qui ont le plus contribué à faire de l’École ce qu’elle est aujourd’hui.

M. Hébert était aussi un homme profondément attaché à sa famille. Il laisse dans le deuil quatre enfants, dont deux font carrière en relations industrielles. Sa femme, Mme Frances Woods, est bien connue dans la communauté universitaire des relations industrielles. Elle a toujours été son alliée discrète mais combien indispensable.

Avec le départ de Gérard Hébert, la discipline universitaire des relations industrielles a perdu un solide pilier. Heureusement, plusieurs ont profité de ses enseignements et de son exemple; ils sont en mesure aujourd’hui de perpétuer son œuvre.

Gilles Trudeau

Professeur



 
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