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Le premier ministre Bernard Landry a préfacé le livre de Daniel Turp, Le droit de choisir. «L’Université de Montréal peut s’enorgueillir d’avoir en son sein un intellectuel de sa trempe», a-t-il écrit. |
Pierre Elliott Trudeau a fait prendre un sacré virage à l’histoire du Canada. Je souhaite que Daniel Turp lui en donne un tout aussi significatif», a dit le premier ministre du Québec, Bernard Landry, au lancement d’un traité sur le droit à l’autodétermination du Québec à la Faculté de droit de l’Université de Montréal le 12 novembre dernier.
Spécialiste du droit constitutionnel, M. Turp a réuni, dans Le droit de choisir, fraîchement sorti des presses des Éditions Thémis, 25 ans de travaux sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Dans cet ouvrage bilingue de près de 1000 pages, l’auteur reprend certains textes écrits alors qu’il était étudiant à l’Université de Montréal et à l’Université de Cambridge, en Angleterre. Il présente aussi des analyses inédites, des annexes sur les chartes et lois pertinentes et une biographie étoffée.
Il s’agit d’un traité juridique, précise M. Turp, mais pas besoin d’être juriste pour oser l’aborder. L’ouvrage inclut des transcriptions de présentations que l’auteur a effectuées devant diverses commissions où on l’avait invité à titre d’expert et des textes qu’il a fait parvenir aux journaux pour exprimer son point de vue.
D’ailleurs, la langue de bois n’a pas contaminé ce fondateur du réseau Intellectuels pour la souveraineté, qui a été député de Beauharnois-Salaberry à la Chambre des communes et porte-parole du Bloc québécois pour les affaires étrangères et les affaires intergouvernementales de 1997 à 2000. Dans ses sorties publiques, tant à la radio privée de langue anglaise ou dans des auditoriums remplis d’étudiants que durant son mandat de député, M. Turp a gardé le souci de demeurer accessible, proche des gens. On raconte même que, s’il a abandonné le nœud papillon, c’est en partie à cause de l’image hautaine, voire aristocratique qu’il lui conférait.
Des amis diversifiés
Le lancement du Droit de choisir, en tout cas, a été l’occasion de voir que les amis de Daniel Turp forment un large éventail: de Richard Pound, directeur de l’Agence mondiale antidopage et candidat défait à la présidence du Comité olympique international, à Gilles Duceppe, chef du Bloc québécois, en passant par Marie Malavoy, vice-présidente du Parti québécois, et Jacques-Yvan Morin, qui fut ministre de l’Éducation sous René Lévesque et professeur à la Faculté de droit. On pouvait croiser aussi, dans la salle des professeurs, des députés de l’Assemblée nationale et des dignitaires étrangers. Plusieurs jeunes également, dont ses enfants Catherine et Nicolas, et des assistants de recherche auxquels il a tenu à rendre hommage pour leur aide dans la rédaction du livre, notamment Marie-Hélène Proulx et François Villeneuve.
Selon Albert Bohémier, directeur de la maison d’édition facultaire, l’ouvrage de M. Turp a bénéficié du travail d’une équipe de professionnels de l’édition juridique. Les exemplaires acheminés au lancement sont tellement neufs qu’ils sentent encore l’encre, a-t-il dit.
Préfacier de l’ouvrage, Bernard Landry souligne qu’il viendra «le temps où le Québec sera doté d’un statut politique qui lui permettra d’assumer librement son développement économique, social et culturel». En attendant, il recommande la lecture du livre du professeur Turp, qui alimentera le débat et la réflexion sur la question du droit à l’autodétermination. «Je sais que nos compatriotes ont davantage l’esprit en Afghanistan que dans leur propre cour, mais il faudra bien repenser à l’avenir du Québec.»
Comme son hôte, Bernard Landry a dû suspendre ses activités politiques à la suite d’une défaite électorale. Il était alors revenu à ses fonctions de professeur d’université. Quand il a pris la décision de replonger dans l’arène politique, sa femme lui a dit «Tu es fou; un sondage place la crédibilité des professeurs à 9 sur 10, et celle des hommes politiques à 1 sur 10». Malgré cela, jamais le premier ministre n’a regretté son geste. D’ailleurs, il estime que le Québec a de la chance de pouvoir compter sur des intellectuels qui n’ont pas peur de faire le saut en politique.
Pour le doyen de la Faculté de droit, Jacques Frémont, le retour de Daniel Turp en politique active n’est pas une urgence. «Ne vous hâtez pas de nous l’enlever», a-t-il lancé à la blague aux hommes et femmes politiques qu’il avait en face de lui.
Mathieu-Robert Sauvé
Daniel Turp, Le Droit de choisir: essais sur le droit du Québec à disposer de lui-même, Montréal, Éditions Thémis, 2001, 996 p.