L’exposition virtuelle Curieux univers, qui présente notamment une sélection de l’herbier Marie-Victorin et de la Collection entomologique Ouellet-Robert, a reçu le mois dernier le prix d’excellence de la Société des musées du Québec et le MIM d’or de l’intégration technologique du Marché international du multimédia (MIM). Pour la directrice du Centre d’exposition, Andrée Lemieux, qui a produit l’exposition, ces prix représentent une reconnaissance majeure qui fait entrer son centre dans les ligues majeures.
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Andrée Lemieux est ravie de voir le milieu muséologique reconnaître la qualité du travail du Centre d’exposition, qu’elle dirige. |
«C’est la première fois qu’une exposition du Centre reçoit un prix d’une telle ampleur, souligne Mme Lemieux. Cela démontre que nous avons eu raison d’investir dans un centre de qualité professionnelle. Cela nous donne une crédibilité extraordinaire dans le milieu. Nos prochains projets vont en bénéficier.»
Déjà, Mme Lemieux a été invitée comme conférencière devant ses pairs. Il faut noter que le prix d’excellence de la Société des musées du Québec a été remis, ex æquo, au musée de Pointe-à-Callière. L’ensemble des musées et centres d’exposition du Québec pouvaient participer au concours.
L’ironie, c’est que ce centre d’exposition situé dans le pavillon de la Faculté de l’aménagement, qui fait la fierté de sa directrice, n’y est pour rien puisque Curieux univers est une exposition totalement virtuelle. Mais comme le fait valoir Mme Lemieux, le mandat du Centre comprend la mise en valeur des 11 collections de l’Université de Montréal, des objets ethnographiques aux instruments d’optométrie. C’est cet objectif qui était visé avec Curieux univers.
Sujet difficile
De quel univers s’agit-il? De la planète que nous habitons, tout simplement. D’après les concepteurs du site, l’univers trouve un sens dans la mesure où ceux qui l’habitent y instituent un certain ordre. «De tout temps, les gens ont fait du classement. Et voilà bien une activité à laquelle tous nous nous adonnons quotidiennement, peu importe notre culture et notre niveau socioéconomique; nous classons: les gens, les événements, les objets qui nous entourent.»
Il s’agit donc d’un site sur la classification, qu’on appelle en termes scientifiques «taxinomie». Voilà pourquoi les collections d’entomologie et de botanique pouvaient être utiles. Deux partenaires, l’Université de Colombie-Britannique et l’Université de Regina, ont numérisé une partie de leurs collections de beaux-arts et d’anthropologie pour donner une dimension nationale à ce site, par ailleurs bilingue.
Comment doit-on classer les objets d’art, les insectes ou les plantes? D’après leurs formes, leurs comportements, leurs couleurs, leurs ressemblances? Un peu tout cela, manifestement. Mais tout classement est inévitablement imparfait. «C’est une science qui évolue constamment. Nous l’avons réalisé en cours de travail. Mais l’idée de base, c’est d’amener les gens à comprendre que toute classification est complexe.»
Grâce à l’aspect interactif du support, l’internaute est invité à effectuer ses propres classements. Il peut ainsi juger lui-même des difficultés auxquelles sont confrontés les biologistes et historiens de l’art lorsqu’ils doivent justifier leurs choix. «Autrefois, on trouvait des cabinets de curiosités regroupant des animaux, des insectes et toutes sortes d’objets hétéroclites. Puis, on a créé des collections spécialisées. Le site évoque cette évolution.»
L’équipe qui a réalisé Curieux univers est réellement interdisciplinaire. En plus d’Andrée Lemieux, elle-même historienne de l’art et muséologue, les deux conservateurs des collections — Luc Brouillet pour l’herbier et Louise Cloutier pour la collection Ouellet-Robert — ont agi à titre de conseillers scientifiques. Andrea Hauenschild et Katy Tari de même que l’artiste Pierre-André Vézina complètent l’équipe de conception. C’est la firme Espace courbe qui a assuré l’aspect technique. Il faut noter la qualité remarquable des photos d’insectes de Luc Bouvrette.
Même si elle n’est pas une inconditionnelle du numérique, Mme Lemieux estime qu’Internet offre une voie intéressante de diffusion de la culture si l’on sait en tirer parti. «Même virtuelle, Curieux univers est véritablement une exposition, fait-elle remarquer. Chaque page est conçue comme une salle. On n’assomme pas le visiteur avec des textes trop longs: 150 mots maximum. C’est la norme au musée d’ailleurs.»
Bien que de plus en plus valorisée, l’exposition virtuelle est encore assez rare sur la grande toile. «On crée beaucoup de catalogues numérisés, mais peu d’expositions comme telles», dit Mme Lemieux. Curieux univers est très multimédia. La musique accompagne la navigation, et l’on trouve des choses inattendues à plusieurs endroits, sous le curseur de la souris. Au détour du parcours, on peut tomber sur une page qui cause une véritable surprise. «Comme dans une vraie exposition», dit Andrée Lemieux.
Cette exposition virtuelle a vu le jour grâce au soutien financier du Programme d’aide aux musées de Patrimoine canadien, de la fondation Daniel-Langlois pour l’art, la science et la technique et du programme Étalez votre science du ministère de la Culture et des Communications du Québec.
M.-R.S.
http://curieuxunivers.umontreal.ca/