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Selon Luc Léger, les jeunes qui se présentent aux tests d’aptitudes pour devenir policiers sont plus en forme qu’autrefois. |
Enjamber des ponceaux, des murets et des poubelles renversées, passer sous des haies, puis courir en slalom dans une foule avant de franchir un mur de deux mètres, cela fait partie de l’entraînement de base d’un policier. Mais quand il faut effectuer ces exercices avec un gilet pare-balles et une ceinture lestée de cinq kilos, c’est encore plus difficile. Forum a pu l’expérimenter le 21 novembre dernier, en se glissant dans le groupe des 60 candidats à l’École nationale de police du Québec (ENPQ) conviés dans un gymnase aménagé pour les besoins du tout nouveau test d’aptitudes physiques, le TAP-ENPQ.
«Nous avons conçu un test le plus axé possible sur la réalité du policier, explique Luc Léger, professeur au Département de kinésiologie et spécialiste de l’évaluation de la condition physique. Chaque obstacle a donc été pensé comme une simulation de tâche.»
Par exemple, après les cinq tours d’un circuit plutôt épuisant que le candidat doit franchir le plus vite possible, il doit pointer le faisceau d’une lampe de poche vers des cibles mouvantes. «Cette épreuve simule l’utilisation de l’arme à feu en état de fatigue, explique le professeur Léger. S’il est vrai qu’un agent peut passer des mois sans utiliser son arme, il doit être toujours prêt à s’en servir. Même en situation de fatigue, comme après une course.»
De même, tout agent doit être capable d’escalader un mur au fond d’une ruelle au cours d’une chasse à l’homme. Si le candidat n’arrive pas à se projeter assez haut pour passer de l’autre côté, il compose avec les moyens du bord. Le TAP-ENPQ permet le recours à des caisses, mais le candidat perd inévitablement quelques secondes à cette étape. Il doit courir plus vite par la suite pour rattraper le temps perdu.
Le test comporte une seconde section non chronométrée qui inclut une séance de réanimation cardiorespiratoire (RCR), une simulation de combat et l’assistance à un «partenaire inconscient», incarné par un mannequin de 65 kg. «Tous les policiers doivent connaître la RCR, signale M. Léger. Nous avons donc décidé d’ajouter une réanimation dans le test, ce qui n’avait jamais été fait.»
600 élèves en 2002
Résultat d’un contrat passé entre l’École nationale de police du Québec et le Département de kinésiologie, le TAP-ENPQ en est à l’étape de la validation. On n’a pas encore fixé la durée minimale de passage par exemple. Mais dès l’automne 2002, les 600 nouveaux élèves de l’École pourraient être obligés de le réussir.«Nous sommes très satisfaits de notre collaboration avec l’Université de Montréal, signale Jean-René Morisset, responsable de la formation en éducation physique à l’École nationale de police. Le test actuel date de plus de 20 ans et avait besoin d’être repensé. Au cours des six derniers mois, nous avons eu des contacts plus réguliers avec l’Université. Nous proposions des idées et nos collaborateurs tentaient de les appliquer.»
Responsable de la Clinique de kinésiologie, Arthur Long partage la paternité de ce projet avec Luc Léger. «Nous avons conçu un circuit qui pouvait être facile et peu coûteux à reproduire, peu importe où l’on se trouve, explique M. Long. Cet élément est important, car les cégeps qui offrent la formation en techniques policières peuvent proposer le test à leurs finissants.»
À ce jour, quelque 200 candidats apprentis policiers ont participé à la validation du test. Selon ceux qui ont été rencontrés le 21 novembre, le nouveau test est bien plus exigeant que le précédent. «Il comporte beaucoup d’épreuves semblables à celles qu’on affronte dans la vie courante, signale une jeune femme déçue de son temps de 5 min 32 s. Je vais devoir m’entraîner davantage.»
Le professeur Léger prévoit que ce travail auprès des futurs agents donnera lieu à des publications scientifiques.
Forum épuisé
Forum a terminé l’épreuve en 4 min 45 s, incluant trois pénalités au saut en longueur. Mais le plus difficile a été la seconde partie du test, consistant en la RCR (échec) et au transport du partenaire inconscient. Le pauvre homme! «Le patrouilleur dans sa voiture peut passer une longue période sans avoir à utiliser ses aptitudes physiques, mais le jour où une intervention nécessite la force ou l’endurance, il peut mettre en danger sa vie ou celle de son partenaire, reprend M. Léger. C’est la même chose pour l’assistance à une personne inconsciente.»
La ceinture lestée, quant à elle, rappelle les instruments que l’agent porte sur lui et qui peuvent le gêner dans ses mouvements: revolver, matraque, lampe de poche. Selon M. Morisset, qui travaille depuis 18 ans à l’école de police de Nicolet, le nouveau test s’inscrit bien dans la politique de l’École nationale, instaurée récemment par le gouvernement du Québec. Cette école a constitué pour ses étudiants un «poste de police virtuel» dans lequel on reproduit des situations très semblables à celles que les policiers vivent dans l’exercice de leurs fonctions. Mais selon lui, un problème demeure pour ce qui est de la condition physique des policiers. La plupart des employeurs n’exigent pas de leurs agents un minimum acceptable sur ce plan durant leur carrière. Une fois qu’ils ont passé les tests d’embauche très exigeants, ils peuvent délaisser tout à fait leur entraînement sans risquer de sanctions. «Cela mériterait de changer», croit Luc Léger.
Mathieu-Robert Sauvé