Édition du 10 décembre 2001 / Volume 36, numéro 15
 
  Pour une intégration en douceur de la relève
40 % des cadres et professionnels seront remplacés d’ici cinq ans.

Solange Lefebvre a été invitée à prononcer la conférence annuelle de l’ACPUM, à laquelle environ 200 personnes ont assisté.

Ils sont là, autour de vous, et se préparent à envahir la fonction publique, les écoles, les hôpitaux. À l’Université de Montréal, 40 % des cadres et professionnels prendront leur retraite d’ici cinq ans et plusieurs d’entre eux seront remplacés par ces nouveaux envahisseurs. Ils n’ont pas 30 ans, sont drôlement scolarisés mais possèdent peu d’expérience. On dit que certains sont de véritables mercenaires de l’emploi, prêts à changer de boîte après six mois pour un meilleur poste, un meilleur salaire. Plusieurs sont appelés à devenir vos patrons…

«La retraite occupe une place très importante dans l’esprit des gens et des organisations. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’un grand nombre de jeunes font actuellement leur entrée sur le marché du travail», dit Solange Lefebvre, professeure à la Faculté de théologie. Bien connue pour ses travaux sur le débat intergénérationnel, Mme Lefebvre a été invitée à prononcer la conférence annuelle de l’Association des cadres et professionnels de l’Université de Montréal (ACPUM) le 27 novembre dernier. Le président de l’Association, Richard Alix, signale que l’ACPUM a fait de la relève sa priorité pour l’année en cours.

Il y a, selon Mme Lefebvre, des erreurs à éviter pour ne pas perdre, avec leur départ subit, la précieuse expérience des employés en poste depuis longtemps. «Les nouveaux savoirs qui sont mis en place par les recrues sont une excellente chose, affirme la spécialiste, mais l’expérience est indispensable.»

Tout en affirmant que les rapports entre les générations n’ont «jamais été un jardin de roses», la théologienne — également anthropologue — estime que des valeurs comme la générosité, l’altruisme et le sens du partage devraient animer davantage les échanges entre jeunes et moins jeunes. En tout cas, elle dénonce les fonctionnaires qui profitent des offres de préretraite de leur employeur pour lancer des cabinets de consultants privés avec leurs anciens clients, parfois même leur ancien employeur. Cela force leurs successeurs dans les bureaux gouvernementaux à partir de zéro et à tout apprendre par eux-mêmes.

Nouveaux défis

La conférencière rapporte qu’une infirmière lui a raconté qu’un gestionnaire nouvellement nommé disait que son rêve était de travailler dans un hôpital où aucun employé n’aurait plus de 40 ans. Cela rappelle un slogan populaire des années 60: Don’t trust anybody over 30. Selon la chercheuse, cette attitude est aussi répréhensible que celle des administrateurs qui ne manifestent aucun souci de renouvellement de leur personnel. «Je crois qu’il est important dans n’importe quel bureau de compter des membres de chaque génération. Que les travailleurs de 10, 20 et 30 ans d’expérience côtoient les employés qui arrivent», dit-elle.

Les nouveaux moyens de communication forment un champ où les compétences s’affrontent parfois. Les employés d’expérience, qui possèdent une connaissance intime de l’entreprise, ont tout à gagner à travailler avec les jeunes, habituellement plus prompts à penser «électronique». Si les deux groupes sont isolés, le courant ne passera pas et les outils informatiques risquent d’être inappropriés.

Les derniers défis du monde du travail consistent à trouver des façons d’accueillir la relève tout en transmettant son bagage de connaissances. Augmenter le partage du temps de travail, favoriser le travail à temps partiel et mettre sur pied des programmes de mentorat apparaissent à Solange Lefebvre comme des solutions intéressantes.

De l’hétéronome au protégé

La théologienne rapporte une typologie originale du jeune à l’égard de son mentor. Rappelons que le mot vient du personnage de L’Odyssée, Mentor, tuteur du fils d’Ulysse; c’est lui qui l’a guidé et conseillé en l’absence de son père. Le mentorat est donc cette fonction qui permet à un travailleur d’expérience d’initier un jeune à son métier.

Selon cette typologie, il y a quatre types de nouveaux employés dans une entreprise qui dispose d’un programme de mentorat: l’hétéronome, l’autonome, l’équipier et le protégé. L’hétéronome, c’est celui qui a toujours besoin d’être rassuré, qui recherche constamment l’approbation; l’autonome, au contraire, ne veut pas de conseils, c’est un débrouillard qui fonctionne par essais-erreurs; l’équipier désire quant à lui tous les mentors possibles, il est avide d’expérimenter et adore le travail d’équipe; enfin, le protégé voue une admiration sans bornes aux travailleurs d’expérience et rêve de devenir comme eux.

Pour Solange Lefebvre, les valeurs liées au travail se sont modifiées au cours des dernières années et ont gagné une partie de la jeune génération. Aujourd’hui, il est vrai, on rencontre bon nombre de travailleurs pour qui le boulot ne constitue pas le centre de leur vie. Ils cherchent plutôt un milieu convivial, des horaires variables, une façon de concilier travail et famille. Cela n’est certainement pas une mauvaise chose.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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