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«Khomeiny, le wahhabisme, les talibans et les égorgeurs algériens sont tous des produits des États-Unis», affirme Omar Aktouf. |
«Que faire après le World Trade Center? Remplacer l’ONU par un gouvernement mondial représentatif et faire passer à cinq dollars le salaire du travailleur philippin qui gagne huit cents l’heure pour fabriquer des tee-shirts Walt Disney.»
C’est ce que ferait Omar Aktouf, professeur de management à l’École des Hautes Études Commerciales. Invité le 28 novembre dernier par le groupe Humani-Terre, un regroupement étudiant des HEC axé sur le commerce équitable et l’environnement, le professeur devait prononcer une conférence sur l’après-11 septembre et la nécessité de repenser le commerce mondial. Mais la conférence a plutôt porté sur l’avant-11 septembre.
Dans un amphithéâtre IBM rempli à craquer et sûrement peu habitué de vibrer à un discours anti-mondialisation, Omar Aktouf a fait un survol des causes lointaines des attentats en rappelant les faits historiques qui ont conduit aux inégalités économiques actuelles. En gros, le l’intégrisme musulman lui apparaît comme le produit de la guerre froide.
«Les branches musulmanes les plus arriérées et rétrogrades ont été formées, soutenues et financées par l’argent américain pour empêcher l’expansion de l’URSS, a affirmé le conférencier. Lorsque les talibans, financés par les États-Unis, combattaient les Soviétiques, ils étaient appelés les “combattants de la liberté”. Aujourd’hui, ce sont des terroristes!»
En Arabie et au Koweït, les États-Unis ont élevé au rang de monarques de simples chefs de tribu qui défendaient la même interprétation intégriste de l’islam que celle des talibans, soit le wahhabisme, et qui opprimaient leur peuple, notamment les femmes.
Toujours selon M. Aktouf, les États-Unis ont mis au pouvoir, en Iran, le régime le plus corrompu de l’histoire de ce pays, le régime du schah, pour conserver l’accès aux ressources pétrolières. En Irak, on a érigé une frontière autour des puits de pétrole pour créer un État indépendant, le Koweït, une partition que l’Irak n’a jamais reconnue.
Produits des États-Unis
Dans les pays du Golfe, les mosquées les plus radicales sont parvenues à soulever le peuple contre les régimes corrompus et le maintien de la pauvreté, donnant naissance à l’islamisme. «C’est aussi ce qui est arrivé en Algérie avec les égorgeurs formés en Afghanistan grâce à l’argent américain. Khomeiny, le wahhabisme, les talibans, les égorgeurs algériens sont tous des produits des États-Unis.» Sans oublier les Pinochet, Suharto, Somoza, Marcos, Noriega, Mobutu, etc.
Omar Aktouf a également rappelé l’émergence du mouvement des pays non alignés qui, en 1955, avaient signé une déclaration dans laquelle ils refusaient toute alliance militaire avec les superpuissances ainsi que les conditions de l’ordre économique mondial imposé par la zone monétaire franc-dollar-livre sterling. «Ces régimes ont tous été remplacés par des dictatures corrompues.»
Du Japon aux pays arabes, en passant par l’Amérique latine et l’Afrique, la liste des exactions commises par les États-Unis depuis 1945 est suffisamment longue aux yeux du professeur pour que «90 % des gens de la planète aient une raison de détester les États-Unis».
Omar Aktouf est même convaincu que l’armée américaine sait où se cache Oussama ben Laden. «Mais il faut bien laisser le temps au lobby des armes de se faire un peu d’argent!»
Et si les États-Unis ne sont pas pressés de régler le conflit au Proche-Orient, c’est qu’Israël est en «danger de paix». «Si la paix était conclue, la sixième flotte américaine serait au chômage et l’industrie militaire fermerait ses portes; les juifs américains cesseraient d’envoyer des millions de dollars à Israël et les kibboutz tomberaient en poussière.»
Bon. Et maintenant on fait quoi? Ceux qui auraient aimé en apprendre un peu plus sur ce que pourrait être ce gouvernement mondial qui remplacerait l’ONU, la façon de l’instaurer ou son fonctionnement seront demeurés sur leur faim. Même chose quant à savoir comment hausser à un niveau décent le salaire des travailleurs exploités par les multinationales, quelles en seraient les conséquences sur l’économie mondiale et de quelle manière procéder à une répartition équitable des richesses. Le conférencier n’a consacré à ces solutions que les deux dernières phrases d’un discours de deux heures.
Daniel Baril