Édition du 21 janvier 2002 / Volume 36, numéro 17
 
  Le génie aérospatial au service du bâtiment
Des outils conçus pour prévoir l’écoulement d’air sur les avions permettent d’optimiser l’aération des immeubles.

Grâce au système de modélisation mis au point par le professeur Marcello Reggio, les ingénieurs pourront prévoir les effets des modifications à apporter aux systèmes de ventilation avant même la réalisation des travaux

Au cours des derniers mois, de nombreux problèmes de santé ont été attribués, à tort ou à raison, aux systèmes d’aération de bâtiments publics. Le cas de l’hôpital Sainte-Justine a probablement été le plus médiatisé, mais d’autres situations semblables ont aussi été rapportées au quartier général du Service de police de la CUM, à la polyvalente Hyacinthe-Delorme de Saint-Hyacinthe, ainsi qu’à l’école DuRocher de Grand-Mère.

La dynamique de la circulation de l’air dans un bâtiment est très complexe et «un système de ventilation adéquat pour un immeuble de bureaux n’est pas forcément satisfaisant pour un hôpital», souligne Marcello Reggio, professeur au Département de génie mécanique de l’École Polytechnique. Le professeur participait, en novembre dernier, à une conférence sur la qualité de l’air dans les établissements de santé, conférence organisée par le Centre de formation continue de Polytechnique et la firme d’ingénieurs-conseils Groupe Teknica. M. Reggio y a présenté une approche prometteuse permettant de modéliser la circulation de l’air dans des salles tel un bloc opératoire, où les conduites peuvent être obstruées par du matériel, alors que la présence de nombreuses personnes peut modifier la température de la pièce.

«Le contrôle de la qualité de l’air dans les milieux hospitaliers est plus sévère que dans d’autres environnements, rappelle le professeur. Des conditions exceptionnellement stériles sont exigées pour les chirurgies et l’on estime que les salles d’opération sont responsables environ du quart de toutes les infections en milieu hospitalier. La performance d’un système de ventilation dépend des interactions entre l’emplacement des équipements, la ventilation elle-même et les sources de chaleur et de contamination.»

Marcello Reggio a appliqué à cette problématique complexe une expertise élaborée depuis 30 ans en aérospatiale, soit la modélisation des écoulements d’air et de liquide sur les ailes des avions. «Les systèmes de simulation d’écoulements sont arrivés à maturité et la technologie est maintenant transférable à d’autres champs», affirme-t-il. Les systèmes actuels permettent de combiner les données relatives à la distribution, la vitesse, la direction et la température de l’air sur plusieurs millions de points différents dans une même enceinte.

Les lignes rouges indiquent les trajectoires de l’air pénétrant dans la salle d’opération par les bouches de ventilation situées au plafond. On peut observer qu’un jet se rend au plancher, puis remonte juste au-dessus du patient.

«Nous pouvons visualiser la circulation de l’air vicié dans la pièce, la trajectoire de toute particule, ou prédire la vitesse et la concentration d’un gaz. L’avantage, c’est qu’avec un tel outil nous pouvons analyser les effets de modifications à apporter aux systèmes de ventilation déjà en place avant même d’effectuer ces changements et sans bouleverser les activités de travail. On peut aussi optimiser les systèmes de ventilation de bâtiments à construire en évaluant à l’avance les différentes configurations afin de définir un design optimal.»

Devant les participants à la conférence sur la qualité de l’air, le professeur a présenté l’application d’un tel outil dans le cas des conditions précises d’une salle d’opération de l’hôpital Sainte-Justine. Sur l’une des illustrations tirées de ces données (voir ci-contre), on peut remarquer qu’un jet d’air descend jusqu’au plancher avant de remonter juste au-dessus du patient allongé sur la table d’opération. «Ceci nous montre l’importance des mesures de stérilisation des lieux et des mesures de prévention qui doivent être adoptées par toute personne présente dans un tel endroit», souligne Marcello Reggio.

Selon le professeur, il s’agit là des premiers travaux de modélisation de la circulation de l’air réalisés à l’aide d’outils issus du génie aérospatial. Les recherches doivent se poursuivre afin de raffiner les estimations, mais le procédé s’avère prometteur. «La méthode peut aussi être utilisée pour prévoir la propagation d’un incendie, ajoute-t-il. D’ici quelques années, toutes les firmes de génie devraient procéder par modélisation.»

Les milieux de l’éducation s’intéressent également à ces travaux et un colloque est prévu en avril sur la qualité de l’air dans les écoles.

D’autres applications sont par ailleurs à l’étude, notamment en génie biomédical, où le recours à ces outils permettra d’évaluer l’efficacité des pompes cardiaques.

Daniel Baril



 
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