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Le Dr Parviz Ghadirian, professeur au Département de nutrition de la Faculté de médecine et directeur de l’Unité de recherche en épidémiologie au CHUM–Hôtel-Dieu. |
Si vous avez un oiseau à la maison, cela pourrait plus que doubler les risques que vous développiez la sclérose en plaques. En revanche, si votre animal de compagnie est un chat, cela pourrait réduire les risques de moitié.
Voilà, parmi d’autres résultats, une étonnante conclusion à laquelle est arrivée une étude épidémiologique sur la sclérose en plaques dirigée par le Dr Parviz Ghadirian, professeur au Département de nutrition de la Faculté de médecine et directeur de l’Unité de recherche en épidémiologie au CHUM–Hôtel-Dieu. L’étude a comparé les habitudes de vie de 200 Montréalais atteints de sclérose en plaques avec celles d’un groupe témoin non atteint.
Bien qu’il ne s’agisse que de corrélations et non de liens de cause à effet, les résultats sont hautement significatifs.
«Nous ne savons pas précisément ce qui peut être en cause avec les oiseaux, mais les résultats suggèrent qu’un virus dont ils seraient porteurs pourrait agir comme vecteur de la sclérose en plaques», affirme le Dr Ghadirian. D’autres études épidémiologiques ont également fait ressortir un lien semblable.
Quant à la diminution du risque associée à la présence d’un chat, le chercheur soutient que l’effet pourrait être d’ordre psychologique et relever de la zoothérapie. «Nous n’avons pas d’explication là non plus, mais il est reconnu que la présence d’un animal de compagnie comme un chat ou un chien améliore la qualité de vie et que leurs propriétaires ont moins de maladies arthritiques et de maladies chroniques et souffrent moins d’hypertension.»
Il semble que ce soit la première fois qu’une telle corrélation négative est établie entre animal domestique et sclérose en plaques. La plupart des études antérieures n’ont pas observé de lien alors que seulement deux recherches ont montré des résultats contraires à ceux de l’équipe du Dr Ghadirian; mais dans ces deux études, les cas de sclérose en plaques étaient associés à la présence de chats ou de chiens atteints de maladies neurologiques.
Cette recherche du professeur Ghadirian fait également ressortir une différence entre les hommes et les femmes; l’effet bénéfique de la présence d’un chat est plus marqué chez les hommes (70 % moins de risque chez l’homme contre 40 % chez la femme), alors que l’effet négatif de la présence d’oiseaux n’est significatif que chez les femmes (2,5 fois plus élevé). «Si un virus est en cause avec les oiseaux, la différence entre hommes et femmes pourrait peut-être s’expliquer par le fait que les femmes peuvent être plus longtemps en contact avec l’animal si elles demeurent à la maison ou que ce sont elles qui changent la litière», soutient le chercheur.
Quoi qu’il en soit, les femmes sont plus souvent atteintes de sclérose en plaques que les hommes, la proportion étant de trois contre deux. La maladie touche également davantage les populations des pays tempérés, où elle est cinq fois plus fréquente que dans les pays tropicaux et deux fois plus fréquente chez les Blancs que chez les Noirs. Au Canada, on compte un cas par 1000 habitants.
Tabagisme
L’étude de Parviz Ghadirian a aussi fait ressortir un facteur jusqu’ici ignoré: le fait de fumer 20 cigarettes et plus par jour double le risque de souffrir de sclérose en plaques par rapport aux risques courus par un non-fumeur. «Fumer apparaît comme le risque environnemental le plus élevé et c’est la première fois que ce lien est établi par une étude recourant à un groupe témoin», affirme le chercheur.
Les données montrent que le risque pourrait être cinq fois plus grand au-delà de 40 cigarettes par jour, bien que l’échantillon soit numériquement trop faible pour en tirer un résultat significatif.
Selon le chercheur, ceci serait dû à l’effet de la nicotine, qui perturbe la transmission synaptique. Rappelons que la sclérose en plaques est une maladie neurodégénérative causée par la destruction, par plaques éparses, de l’enveloppe protectrice des neurones, la myéline.
Cette maladie a par ailleurs déjà été associée à des affections infantiles virales, ce que la recherche du professeur Ghadirian confirme. Ceux qui ont eu les oreillons, la rougeole et la rubéole ont 2,5 fois plus de risques de développer la sclérose en plaques. Les maladies auto-immunes multiplient également le risque par quatre.
Dans une précédente étude (1), le Dr Ghadirian a par ailleurs fait ressortir que la forte consommation de graisses animales double le risque de sclérose en plaques alors que la consommation de fibres alimentaires et de céréales diminue le risque d’environ 40 %.
«Il est donc facile de réduire le risque de souffrir de cette maladie en cessant de fumer et en adoptant de bonnes habitudes alimentaires», souligne l’épidémiologiste.
Daniel Baril
(1) Consultez iForum du 18 janvier 1999: www.iForum.umontreal.ca/Archives.