Édition du 18 février 2002 / Volume 36, numéro 21
 
  40 ans de recherche en droit public
Le CRDP obtient annuellement 3 M$ de fonds de recherche.

Ejan Mackaay est directeur du CRDP, qui a 40 ans cette année.

En 1962, Pierre Elliott Trudeau fait une entrée remarquée à l’Université de Montréal en devenant l’un des quatre premiers chercheurs du Centre de recherche en droit public (CRDP), appelé alors Institut de recherche en droit public. Or, on vient de refuser au futur premier ministre du Canada un poste à la Faculté des sciences sociales. De retour d’un voyage en Chine, M. Trudeau est alors perçu comme un intellectuel de gauche et plusieurs s’en méfient. «Ironie du sort, c’est la Faculté de droit qui l’accueille», relate avec amusement Ejan Mackaay, le 10e directeur du CRDP, en tournant les pages de l’album historique.

Cette anecdote est à l’image d’un centre de recherche novateur qui n’a jamais eu peur des qu’en-dira-t-on. À sa fondation même, le 26 février 1962, le gouvernement du Québec, représenté par le ministre de la Jeunesse Paul Gérin-Lajoie, se réjouissait de la création d’un centre qui donnerait des arguments juridiques aux aspirations autonomistes de la province de Québec. «Il y avait alors une carence manifeste d’écrits francophones consacrés au droit constitutionnel et administratif. L’Institut aurait donc comme mandat de combler cette lacune», explique M. Mackaay.

Doyen des centres de recherche de l’UdeM, le CRDP célébrera le 26 février son 40e anniversaire en présence de Paul Gérin-Lajoie, qui était présent à l’inauguration.

Des sujets actuels

Les travaux de Jacques Brossard sur l’immigration, la Cour suprême et la Constitution, notamment, ont été très précieux à l’époque où l’on scandait «Maîtres chez nous!» en pleine campagne électorale. En 1968, la revue Livres et auteurs canadiens présente Droit d’accéder à la souveraineté comme un des meilleurs essais de l’année. Il s’agit d’un ouvrage de M. Brossard, membre du CRDP depuis quatre ans.

Les études sur le droit constitutionnel ont rapidement fait place à d’autres aspects du droit public. Membre de la première heure, Andrée Lajoie (qui fut directrice du Centre durant cinq ans et qui est toujours active en 2002) a fait paraître des études sur le droit et la gestion de l’eau potable dès la première année d’existence du Centre. Ce sujet fait encore aujourd’hui l’objet d’un débat passionné.

Mme Lajoie a aussi travaillé sur le droit de l’enseignement supérieur durant les années 80 et consacre actuellement ses travaux à la théorie du droit, au droit des autochtones et au droit de la santé. La décennie 80 voit arriver un chercheur qui marquera le développement du Centre: Pierre Trudel. Intéressé par l’accès à l’information et le droit des médias, ce juriste publiera en 1991 Droit de la radio et de la télévision avec la collaboration de France Abran, agente de recherche au CRDP. La première grande étude juridique sur le droit du cyberespace paraîtra six ans plus tard.

Devant la multitude de recherches et l’essor de l’intérêt pour des travaux sur le droit public, le CRDP a choisi en 1990 de regrouper ses activités autour de trois axes. En droit des technologies de la vie et de la santé, on trouve des chercheurs comme Bartha Maria Knoppers, Thérèse Ledoux, Denise Avard, Béatrice Godard et Patrick Molinari; l’axe du droit et des technologies de l’information et des communications réunit Karim Benyekhlef, Jacques Frémont, Daniel Poulin, Ysolde Gendreau et Pierre Trudel ainsi que le directeur du Centre; enfin, l’axe des théories du droit et du changement social regroupe Guy Rocher, Andrée Lajoie, France Houle et Pierre Noreau.

Présence en Chine et en Afrique

Au groupe de 15 chercheurs principaux se greffent une cinquantaine de collaborateurs de différentes disciplines et de plusieurs établissements du Canada et de l’étranger. Considéré comme le plus important centre de recherches juridiques au Canada, le CRDP obtient quelque trois millions de dollars de fonds de recherche annuellement. Deux projets internationaux ont retenu l’attention ces derniers temps: la formation des juges en chef chinois, consistant à renforcer le pouvoir judiciaire en Chine, et le projet Démocratie et médias, destiné à promouvoir et à affermir l’exercice de la démocratie à travers la liberté de presse en Afrique de l’Ouest (Bénin, Mali, Guinée et Ghana).

Au cours des dernières années, le Centre de recherche en droit public a exercé un leadership reconnu mondialement au chapitre de l’accès à l’information. Suivant l’initiative d’un étudiant à la maîtrise, Daniel Poulin, une entente avec le juge en chef de la Cour suprême du Canada, Antonio Lamer, a permis de rendre publiques sur Internet, gratuitement et sans délai, les décisions du plus haut tribunal du pays. Aujourd’hui, cet accès s’est étendu aux décisions de la cour fédérale, des cours d’appel de la majorité des provinces canadiennes et de la plupart des cours de première instance. «Un jour, c’est toute la jurisprudence qui sera accessible sur Internet», souhaite Ejan Mackaay.

Pour ce Néerlandais d’origine arrivé à Montréal l’année de l’Expo, cet accès universel et gratuit est une espèce de victoire personnelle. Alors que l’informatique était encore une curiosité en sciences humaines, lui s’intéressait au potentiel de convergence de l’électronique et du droit. Il avait été engagé au sein de DATUM (Documentation automatique des textes de l’Université de Montréal), qui allait devenir la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ).

Mathieu-Robert Sauvé



 
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