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Bruce Murphy (à gauche) et son équipe: de gauche à droite, Nicolas Gévry (étudiant au doctorat), Tatiana Ruiz-Cortez (étudiante au doctorat), Éric Deneault (étudiant à la maîtrise), Mira Dobias (agente de recherche), Sandra Ledoux (étudiante à la maîtrise) et Joëlle Desmarais (étudiante à la maîtrise). |
La carence en gras nuit à la fertilité chez la mère. C’est ce que Bruce Murphy, directeur du Centre de recherche en reproduction animale (CRRA) de l’Université de Montréal, a constaté en étudiant des animaux d’élevage durant leur cycle de reproduction. Au cours d’une recherche récente, le Dr Murphy a noté par exemple que, si la deuxième mise bas des truies est moins «performante» que la première (moins de porcelets, nouveau-nés moins en santé), c’est en partie à cause de la chute de tissus adipeux.
«Nous croyons que les gènes exprimés par les tissus adipeux jouent un rôle de régulation dans la reproduction du porc et donc de l’ensemble des mammifères», dit le chercheur, qui vient d’obtenir plus de un demi-million de dollars du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie pour étudier cette hypothèse.
Le Dr Murphy va plus loin et affirme qu’un poids insuffisant mène droit à l’infertilité. Doit-on s’inquiéter de ce phénomène chez les femmes, où l’obsession de la minceur est un problème largement répandu? «Bien sûr qu’il y a un parallèle à établir avec les êtres humains, dit-il. Pas seulement chez les anorexiques. Lorsqu’une marathonienne à l’entraînement diminue de façon draconienne son taux de gras par exemple, elle risque de suspendre son cycle menstruel, et tout le système reproducteur s’en trouvera touché. Ça s’est vu souvent.»
Des études menées dans son laboratoire ont pu démontrer sur le plan moléculaire que les tissus adipeux jouent un rôle d’«organe endocrinien» qui influe sur l’hypothalamus et l’ovaire. En médecine vétérinaire, de telles recherches sont d’un grand intérêt économique. Si l’on parvient à limiter la perte de poids chez les porcs ou les bovins après que les femelles ont donné naissance à leurs petits, la rentabilité des élevages s’en trouvera grandement améliorée.
En médecine humaine, les études du CRRA peuvent aussi avoir d’importantes retombées. «Le nombre de recherches sur la présence de gras dans l’organisme s’est accru depuis une décennie, dit le directeur du centre de la Faculté de médecine vétérinaire. L’influence néfaste du gras a été démontrée dans les désordres comme l’obésité, les maladies cardiovasculaires et le diabète. Mais il ne faut pas oublier que le gras a aussi un rôle utile.»
1,2 M$ au CRRA
Au cours des dernières années, le CRRA a beaucoup fait parler de lui. C’est notamment à l’un de ses chercheurs, Lawrence C. Smith, qu’on doit la naissance de Starbuck II, ce clone du taureau reproducteur exceptionnel père de 200 000 vaches. Le veau cloné est né à la Faculté de médecine vétérinaire le 7 septembre 2000. C’était la première fois qu’un clonage reproductif était réalisé à partir de cellules adultes. Par la suite, le chercheur a amélioré sa technique au point de procéder à l’annonce, en décembre dernier, de la naissance de trois veaux clonés. Le taux de succès atteignait cette fois 1 pour 17, contre 1 pour 64 dans le cas de Starbuck II.
Afin de poursuivre leurs travaux sur le clonage et la transgenèse chez les animaux domestiques, et dans le but d’améliorer les connaissances sur la protéomique et la génomique fonctionnelle au cours de la gestation, les chercheurs du CRRA avaient besoin de nouveaux appareils de pointe: un sélecteur de cellules activées par fluorescence, un système de microdissection par captage au laser, un appareil de chromatographie liquide à haute performance à phase inversée, un spectrophotomètre et un nouveau compteur à rayons ß. De plus, des rénovations étaient devenues essentielles dans les laboratoires communs. Une subvention de 1,2 M$ a été accordée au Centre par la Fondation canadienne pour l’innovation, en collaboration avec Recherche Québec et un partenariat entreprises-Université.
Trentième anniversaire
Le CRRA a été fondé en 1972 par un groupe de professeurs de la Faculté de médecine vétérinaire, avec le mandat d’établir un programme de recherche axé sur la pathophysiologie de la reproduction bovine, le transfert d’embryons et la survie embryonnaire. «Le CRRA a 30 ans cette année, et je crois qu’il a atteint une maturité tant sur le plan de la performance en recherche qu’en ce qui concerne le nombre d’étudiants», commente le directeur.
Après des débuts modestes, le Centre est devenu un des pôles canadiens de la recherche sur la reproduction animale avec ses 12 laboratoires, ses 9 chercheurs à temps complet et ses 30 étudiants-chercheurs.
Les membres actuels du CRRA conservent l’esprit qui animait les fondateurs trois décennies plus tôt, mais ils sont partis des premiers stades de développement de l’embryon pour étendre leur sphère de recherche aux liens subtils entre l’embryon et l’utérus chez le bovin. Ils ont aussi étudié les autres espèces telles que le cheval et le porc.
Mathieu-Robert Sauvé