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Georges Dionne a reçu des mains de Jacques Parizeau le prix Gérard-Parizeau, qui honore la mémoire du père de l’ancien premier ministre du Québec. |
La tragédie qui a vu s’effondrer les tours jumelles du World Trade Center (WTC), le 11 septembre dernier, constitue-t-elle un ou deux événements? Après tout, deux avions ont heurté, à plus d’une heure d’intervalle, deux tours différentes!
Cette différence revêt une importance capitale pour le marché des assurances, car les indemnités prévues par les assureurs du WTC sont de 3,5 milliards de dollars (biens matériels exclusivement). Faudra-t-il payer une fois cette somme — pour un seul acte provoqué par deux avions — ou la multiplier par deux — deux avions, deux attaques?
«Il n’y a jamais eu de telles réclamations dans l’histoire des assurances, signale l’économiste Georges Dionne. Auparavant, les plus fortes réclamations étaient dues aux catastrophes naturelles: ouragans, tremblements de terre, inondations. Cet événement, qu’on peut qualifier de “catastrophe planifiée”, pourrait se reproduire.»
Lorsque le président américain George W. Bush a affirmé devant les caméras de télévision que les États-Unis avaient subi le 11 septembre un «acte de guerre», des milliers d’avocats ont retenu leur souffle. C’est que la très grande majorité des contrats d’assurance ne couvrent pas les événements qui surviennent en situation de guerre. «Là-dessus, il y a eu une entente assez rapidement: les compagnies allaient payer, mentionne M. Dionne. Elles ont convenu qu’il s’agissait peut-être d’un acte de terrorisme, mais pas d’un acte de guerre au sens juridique.»
«Avec cet événement, nous en sommes à chercher une définition de la guerre», ajoute dans un soupir Jacques Parizeau, ancien premier ministre du Québec.
M. Dionne, un expert de l’économie du risque et de l’assurance, a reçu des mains de l’ancien premier ministre, qui fut pendant 30 ans professeur à École des Hautes Études Commerciales, le prix Gérard-Parizeau, assorti d’une bourse de 30 000 $. Ce prix (et la conférence du même nom qui a lieu simultanément) a été créé en 2000 en l’honneur du père de Jacques et Robert Parizeau, une figure dominante de l’assurance au Québec et un passionné d’histoire. Le prix qui porte son nom honore alternativement un spécialiste de l’histoire et un spécialiste de la finance.
Philippe Jorion aux HEC
C’est devenu un lieu commun de dire que tout a changé depuis le 11 septembre. En ce qui concerne l’étude du risque, il semble qu’on ait prix conscience de façon brutale de l’importance de prévoir l’imprévisible. Philippe Jorion, un spécialiste mondial de l’étude de ce secteur économique, a présenté une allocution sur la valeur du risque à l’occasion de la conférence Gérard-Parizeau, qui accompagne la remise du prix.
«Le 11 septembre aura remis sur la sellette l’importance de gérer les risques, a-t-il affirmé. L’histoire nous enseigne que les désastres surviennent avec une régularité alarmante.»
La population, qui a cessé subitement de prendre l’avion, a agi de manière irrationnelle, car, même après le 11 septembre, les risques d’avoir un accident au cours d’un déplacement étaient 40 fois plus élevés en auto qu’en avion. «Il est de la responsabilité des gestionnaires de conserver leur objectivité lorsqu’ils calculent le risque.»
Certes, l’évaluation du risque est bâtie sur des cas de pertes considérables, mais pas de pertes extrêmes comme celles que nous avons connues l’automne dernier. Toutefois, signale le professeur de l’Université de Californie, l’histoire des marchés financiers indique que des désastres se produisent régulièrement. En ce sens, les effets du 11 septembre sur les marchés financiers n’ont pas été particulièrement inhabituels.
M.-R.S.