Papa, c'est qui Jean-Coutu ? C'est un philanthrope ma fille ! Papa, c'est quoi un philanthrope ? C'est une personne généreuse qui a le souci d'améliorer le sort des autres et qui aime beaucoup les gens. Donc, moi aussi je suis philanthrope, j'aime beaucoup les gens de mon école ? Non, ma chérie, toi, tu n'es pas milliardaire.
Il y a quelques semaines de cela, les journaux régionaux annonçaient qu'un homme d'affaire important, M. Jean-Coutu, faisait un généreux don de 12, 5 millions de dollars à l'université de Montréal. C'est avec empressement que le mot philanthropie ressortit à nouveau du dictionnaire pour aller s'afficher sur les lignes des quotidiens et sur les lèvres des gens. On parlait d'un généreux don sans précédent, comme si ce montant d'argent était donné d'une main des plus généreuses, celle d'un philanthrope.
Certains médias semblent se comporter comme des perroquets par le fait qu'ils ne font que restituer les dires de ceux qui tiennent le pouvoir sans apporter d'opinions critiques et réfléchies. De plus, dans la société pensée, dirigée et contrôlée par les capitalistes, bien des termes changent de définition. C'est particulièrement cette manière subtile de manipuler la population qui attire mon attention dans cette nouvelle médiatique. Parmi les mots qui ont changé de définitions, se retrouve en autre la démocratie. On parle maintenant de démocratie au sens de pleine liberté d'entreprise. Nous sommes loin de la définition connue comme étant une forme de gouvernement dans laquelle l'autorité vient du peuple. La même chose semble être en train de se produire avec le mot philanthrope. Son utilisation est faite souvent à des fins abusives, comme il en a été le cas dans les écrits journalistiques et les discours des autorités lors de l'annonce du geste de M. Jean-Coutu, qualifié comme l'un des plus généreux.
Il faut savoir que la somme des deux pavillons, Jean et Michelle Coutu, s'élève à 90 millions de dollars. Le montant fournit par l'homme d'affaire représente environs 13 % de ce montant total. Il se fait construire à lui et à sa femme, un beau monument pour pas cher ! J'espère qu'il n'a pas l'intention de faire de même avec ses enfants et ses petits-enfants, car il faudra changer le nom de l'université et celui de l'institution qui figure sur le diplôme. Il est important de mentionner que M. Lacroix, recteur de l'Université de Montréal, a dû solliciter l'homme d'affaire à au moins trois reprises. La condition finale était que le recteur de l'université trouve les 77,5 millions et ensuite M. Coutu fournirait le reste. Quelle philanthropie !
Dans le journal La presse, M. Lacroix mentionne que beaucoup de gens riches francophones devraient remettre à la société une partie de leur richesse. Monsieur le recteur a bien raison. J'ajouterais même, pas seulement de riches francophones, mais également des capitalistes de tout acabit. Particulièrement ceux qui pillent nos richesses naturelles et détruisent l'environnement. Ceux-là, devraient laisser à la terre ce qui lui appartient et partager ce qu'elle peut donner. Dans le cas de Jean-Coutu, c'est autre chose. Pour lui, la société ce sont les étudiants de pharmacie, de médecine et sans doute du H.E.C.
L'université devrait avoir la liberté de disposer de cette somme d'argent. Le programme d'arts plastiques a été abolit tout récemment. La culture n'est-elle pas la société ? Finalement, je tiens à rappeler qu'un philanthrope ne pose pas de conditions à son geste et ne demande pas d'avoir une institution à son nom.
Sur ce point, j'aimerais souligner le nom que l'on attribue aux pavillons universitaires. Comme l'université semble encore être un lieu intellectuel, Je crois que le nom d'une personne qui a contribué à l'avancement de la société dans le domaine des sciences fondamentales, humaines et dans les arts, devrait figurer en priorité sur les différents bâtiments. Je prends en exemple le pavillon Marie-Victorin.
Également, le geste de M.Coutu serait d'avantage appréciable si celui-ci ne posait pas de conditions. Je considère que les deux nouveaux pavillons de pharmacie ressemblent d'avantage à des institutions d'affaires que de sciences. Dans ce cas, ils auraient été construits ailleurs et cela n'aurait rien changé à l'université, près du H.E.C ou bien dans une autre cité universitaire qui inclurait le pavillon Desmarais et pourquoi pas Aisenstadt. Ceci pourrait porter le nom d'Université Jean-Coutu et Paul G Desmarais. Finalement, ce geste n'est pas celui d'un philanthrope, mais celui d'un homme d'affaire qui comme bien d'autres désirent s'immortaliser et du même coup acheter les derniers vestiges de ce qui était jadis une institution de libres-penseurs.
Jocelin Guay
Étudiant en sciences biologiques
Précisions du directeur du Fonds de développement
Le don de M. Coutu a servi de levier pour permettre la construction de deux nouveaux pavillons, dont le coût total s'élève à 77,5 millions $ (et non 90 millions). Le gouvernement du Québec apporte une contribution de 60 millions $ alors que l'Université finance le dernier 5 millions $. Ces nouveaux pavillons répondent à des besoins urgents pour former de nouveaux étudiants en pharmacie et accroître la recherche dans le domaine bio-médical.
Dans le milieu philanthropique, une contribution qui finance plus de 10 % de la valeur d'un pavillon de grande envergure, est considérée tout à fait exceptionnelle et justifie une reconnaissance appropriée. Par ailleurs, M. Jean Coutu n'a rien demandé à l'Université en échange de son don. C'est le caractère exceptionnel de ce geste qui a amené l'Université de Montréal à souligner ce don en désignant ces deux nouveaux pavillons des noms de Jean-Coutu et de Marcelle-Coutu.
Gil Desautels
Directeur général
Fonds de développement
Une interprétation quelque peu différente
Nous ne pouvons que nous réjouir au département de sciences économiques de l'information véhiculée par Forum le 8 avril (vol. 36, no 26, p. 1) à l'effet que les demandes d'admission à notre programme d'études supérieures, maîtrise et doctorat confondus, a augmenté en nombre, en 2002, de 70 par rapport à 2001. Notre satisfaction a toutefois été quelque peu atténuée lorsque nous avons lu, dans le même article, que
notre programme comptait parmi les «vieux» (sic) programmes de la FES ayant connu un «regain de popularité» (sic), situation que nous partageons, semble-t-il, avec, entre autres, les sciences infirmières et
l'informatique.
À moins que l'épithète de «vieux» ne fasse appel, dans l'esprit de l'auteur de l'article, à la notion de sagesse, comme c'est encore le cas dans quelques rares sociétés, ce diagnostic nous laisse perplexe. Le département de sciences économiques connaît en effet un regain de croissance parce que, tout simplement, nous n'avons pas lésiné, ces dernières années, sur les efforts de rajeunissement. En 1999, nous avons créé une maîtrise en finance mathématique et computationnelle avec le département de mathématiques et de statistique et celui d'informatique et de recherche opérationnelle. À la même époque, nous avons mis en
place une nouvelle option en économie financière qui s'est ajoutée aux 6 options déjà existantes au niveau de la maîtrise (économie du développement, économie du travail, économie et finance internationales,
économétrie, économie publique et évaluation de projets). Nous avons fait connaître notre programme partout dans le monde.
L'arrivée de jeunes et talentueux collègues a également renforcé, surtout au niveau du doctorat, le volet de la théorie économique, ce qui nous permet de nous attaquer, d'une manière particulièrement rigoureuse, aux problèmes des inégalités et de la pauvreté. Entre-temps, nous avons réformé notre programme de 1er cycle, tremplin à la maîtrise pour beaucoup de nos étudiants, et nous nous sommes classés 26e sur 200 départements au monde, 2e au Canada et 1er dans le monde francophone, sur la base de nos
publications de recherche (voir Forum du 21 janvier 2002).
Comme on le voit, il n'y a pas eu regain de popularité pour un vieux programme, mais adaptation en profondeur, et avec un grand souci de qualité, d'un programme aux besoins d'une société moderne et en
constante évolution.
André Martens
Professeur titulaire
Département de sciences économiques