Si l’on accueillait 2500 étudiants étrangers de plus par année jusqu’à un total de 25 000, chiffre qu’on maintiendrait par la suite de façon permanente, le Québec pourrait freiner le déclin démographique que les spécialistes anticipent pour 2030. À condition d’améliorer le taux de rétention de ces résidents de passage, qui se situe actuellement à 14 %. Avec une série de mesures incitatives, ce taux devrait atteindre 75 %.
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Jean-François Lisée (au premier plan) défend sa thèse sur le déclin démographique contré par les étudiants étrangers au cours d’un débat animé par Yedidya N’dong (à gauche). |
Voilà du moins la thèse de Jean-François Lisée, chercheur invité au Département de science politique, défendue à une table ronde organisée par le Fonds d’investissement des cycles supérieurs de l’Université de Montréal (FICSUM). Cette rencontre a eu lieu le 28 mars dernier, au Café des résidences, et a réuni une cinquantaine de personnes. «Le Québec a un devoir de solidarité envers les étudiants qui viennent poursuivre des études universitaires ici, estime le conférencier. Il me semble qu’on devrait leur simplifier la vie en facilitant l’exonération des droits de scolarité et en leur permettant de travailler tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du campus.»
C’est très bien, la coopération internationale, a poursuivi M. Lisée. Mais le Québec, dont la population atteindra les 7,8 millions d’habitants d’ici trois décennies avant de décliner, doit aussi penser à ses intérêts. Même la clientèle universitaire pourrait connaître une décroissance. Après avoir commandé des projections au Bureau de la statistique du Québec, l’auteur de Sortie de secours conclut qu’une bonne proportion d’étudiants venus ici pour obtenir un diplôme de premier, deuxième ou troisième cycle pourraient être attirés par le niveau de vie et les conditions de travail que le Québec leur offre. Le retour dans leur pays d’origine se ferait attendre… et puis tant pis. «C’est durant les études que beaucoup de choix se font, signale-t-il. Et c’est pendant cette période que bien des couples se forment.»
Le marché mondial des étudiants internationaux compte plus de 1,5 million de personnes et le Québec possède d’excellents atouts. Il pourrait faire un pas de plus, croit Jean-François Lisée, et ouvrir grandes les portes de l’immigration à cette clientèle scolarisée, qui dispose déjà d’un réseau de contacts établi et ne répugne pas à faire des enfants.
Bonnes nouvelles du BEI
Ce point de vue utilitariste sur les études internationales n’a pas fait sursauter l’assemblée, constituée en bonne partie de représentants d’associations d’étudiants étrangers. On a plutôt discuté des conditions de vie de ces étudiants qui sont en quelque sorte en liberté surveillée durant leur séjour. Ils paient des droits de scolarité beaucoup plus élevés que les Québécois sans profiter des mesures de protection sociale et n’ont le droit d’effectuer un travail rémunéré que sous certaines conditions.
Mais Bruno Viens, conseiller au Bureau des étudiants internationaux (BEI) de l’Université de Montréal, avait de bonnes nouvelles pour eux. Dès l’automne prochain, a-t-il annoncé, un nouveau programme du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration du Québec permettra le travail en dehors du campus. Ce ministère prévoit aussi instaurer un programme de subventions pour encourager le recrutement d’étudiants étrangers. En entendant, certaines mesures existent. Un étudiant non canadien peut notamment demander un permis de travail dès l’obtention de son diplôme. Certains programmes de stages rémunérés sont aussi accessibles.
Le BEI organise, bon an, mal an, plus de 40 ateliers d’accueil et d’intégration. Les nouveaux arrivants peuvent y obtenir une pléthore de renseignements pratiques, des règlements sur l’immigration aux meilleures adresses pour les loisirs. À noter, le Bureau définit les étudiants étrangers comme les étudiants de l’UdeM qui ne sont ni citoyens canadiens ni résidents permanents. Le qualificatif «internationaux» signifie que le bureau offre aussi des services aux Québécois qui font des études à l’extérieur du pays. À l’Université de Montréal (excluant les écoles affiliées), il y a actuellement 2380 étudiants étrangers, la plupart en provenance de France (933 personnes); les autres viennent du Maghreb (Maroc, 158 et Tunisie, 68), d’Haïti (64) et du Mexique (61).
M. Viens affirme que le BEI se consacre à l’intégration harmonieuse des étudiants étrangers. Mais il déplore que l’information mise à leur disposition, non seulement par le BEI mais aussi par d’autres services, demeure sous-utilisée.
Premier débat
C’était la première rencontre organisée par le FICSUM. Elle réunissait, outre MM. Lisée et Viens, plusieurs spécialistes de la question, dont Gloria Lourido, conseillère en développement social et communautaire à la Ville de Montréal; Jacqueline Roby, spécialiste régionale à la Direction des programmes du ministère fédéral de la Citoyenneté et de l’Immigration; Jean Porret, directeur du Service d’action humanitaire et communautaire; et Henri Maguemati Wagbou, chercheur postdoctoral au Centre d’études ethniques des universités montréalaises. Le débat était animé par Yedidya N’dong, coordonnateur des tables rondes au FICSUM.
Au cours de ces rencontres, on souhaite «créer un espace dynamique, multidisciplinaire, interactif et convivial de discussion et de débat, généralement de bon niveau intellectuel, sur des enjeux académiques et sociaux», précise un communiqué de l’organisme étudiant.
Mathieu-Robert Sauvé