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Chantal Aurousseau a donné un cours de «violence organisationnelle 101». |
Un étudiant furieux se présente à un comptoir de l'aide financière. Dans un discours enflammé et incohérent, il exige que l'Université lui rembourse ses dettes d'études. Sous le regard impuissant de la préposée, il se fâche, frappe la vitre, invective sa vis-à-vis. Finalement, un agent de la Sûreté intervient et accompagne le jeune homme hors du pavillon.
L'affaire ne se termine pas ici, car la préposée est en état de choc. Au cours des jours suivants, elle a peur, elle est tendue. Ses symptômes perdurent. Ses collègues lui lancent des remarques désobligeantes telles que «Moi, ça ne m'est jamais arrivé en 15 ans» et «Qu'as-tu dit pour déclencher une agressivité pareille?» La solitude la gagne, la culpabilité aussi.
«La violence organisationnelle peut prendre plusieurs formes et être subie par tous, hommes ou femmes, jeunes ou vieux, a expliqué Chantal Aurousseau, chargée de cours au Département des communications de l'Université du Québec à Montréal, à un groupe d'employés syndiqués venus l'entendre à l'auditorium Ernest-Cormier le 30 avril dernier. Dans l'exemple précédent, une personne extérieure au milieu de travail est à l'origine de gestes violents. Mais les collègues, plutôt que d'exprimer leur solidarité envers la préposée, lui rendent la situation plus difficile…»
Pour Mme Aurousseau, titulaire d'un doctorat en communication organisationnelle, le concept de «violence organisationnelle» est préférable à celui de «harcèlement moral», utilisé de nos jours pour décrire les intimidations en milieu de travail. Selon elle, il n'y a pas que la violence visible et soutenue qui doit être prise en considération. La violence peut être au contraire insidieuse et ponctuelle. «Ne pas dire bonjour à un employé quand on rentre au travail, ce n'est pas de la violence. Mais c'est un élément irritant. Même chose pour une phrase humiliante à l'endroit d'une personne lancée devant des collègues ou pour une invitation non transmise.»
Sans préciser la fréquence des cas de violence visible et soutenue dans un milieu comme l'Université de Montréal, Mme Aurousseau a affirmé qu'on pouvait parler de violence dès que les relations de travail comportaient des impacts «biopsychosociaux» mesurables sur une personne.
Différentes réactions sont possibles pour faire face à la situation, comme recourir à la convention collective, qui interdit l'intimidation. La consultation d'un spécialiste du Programme d'aide au personnel ou de l'extérieur peut être une solution. D'autres stratégies, plus originales, peuvent aussi être appliquées. Par exemple, confronter l'agresseur: «On peut dire devant témoin: “Ça fait quatre fois que je vous demande de me laisser tranquille. Engagez-vous par écrit à cesser de me harceler, sinon je dépose un grief.”»
L'humour et la dérision restent toujours possibles. Un employé qui se fait reprocher par son patron d'avoir une tenue vestimentaire décontractée, alors que tout le personnel masculin porte le veston et la cravate, peut arriver un matin avec une cravate à pois et une veste de clown de façon à clouer le bec au supérieur hiérarchique…
300 participants
Quelque 300 personnes, principalement des membres du syndicat des employés de l'Université de Montréal et du syndicat des employés d'entretien de l'UdeM, s'étaient déplacées pour venir entendre Mme Aurousseau. Une soixantaine d'entre elles ont assisté à la conférence en direct de la Faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe grâce à une transmission vidéo.
Pour Michel Normandeau, porte-parole du Comité paritaire de santé et de sécurité au travail du syndicat des employés de l'Université, section 1244, cette rencontre a été un succès tant sur le plan de la participation que sur celui de la pertinence du sujet. «Notre priorité, cette année, est la formation, explique-t-il. En choisissant la violence organisationnelle pour notre conférence annuelle, nous voulions signifier que ce thème était pris au sérieux.»
M.-R.S.