Édition du 10 juin 2002
 
  Pour assurer la survie du Canada sur Internet
Des universitaires déplorent le manque de stratégie cohérente et recommandent la création d’un conseil consultatif canadien.

Les Canadiens ont résolument adopté Internet: 90 % de la population âgée de 20 à 42 ans utilisent cet outil alors que la proportion monte à 99 % chez les jeunes de 9 à 17 ans. Et 80 % des navigateurs ont accès à Internet de leur domicile.

Par contre, seulement 16 % des sites fréquentés par ces internautes sont des sites canadiens. Au Québec, la proportion de sites québécois fréquentés par les Québécois est de 25 %.

Ce sont là quelques chiffres qui ressortent d’un rapport rédigé en marge du forum sur les solutions canadiennes au déficit de l’information sur Internet, organisé par l’Université de Montréal et l’Université de Calgary en octobre dernier.

Même si la fréquentation de sites canadiens semble faible, Claude Martin, professeur au Département de communication et membre du comité organisateur du forum, la juge «remarquable» compte tenu du fait que les sites canadiens ne représentent que un pour cent de tout ce qu’on trouve sur Internet. «La part de marché que les sites canadiens accaparent est beaucoup plus élevée que celle du cinéma et se rapproche de la part dont jouissent les écrivains canadiens», souligne le professeur.

Ce qui l’inquiète davantage, c’est la faible étendue du contenu culturel canadien alors que le contenu américain domine largement dans tous les secteurs. La présence canadienne est notamment timide du côté des sites éducatifs et des sites francophones et en langues autochtones, alors que les lois relatives à la protection des droits d’auteur ne sont pas adaptées à ce nouvel instrument.

Manque de stratégie
 Claude Martin

Selon Claude Martin, ceci est une conséquence du «manque de stratégie cohérente de la part des gouvernements à l’égard d’Internet».À son avis, les gouvernements devraient exercer la même vigilance relativement au Web que celle dont ils font preuve quant à la télévision. Pour ce qui est de l’industrie culturelle, sa survie pourrait être menacée si elle ne parvient pas à s’adapter, au cours des trois prochaines années, à l’évolution rapide de cet instrument de diffusion et aux pressions extérieures qu’il suscite dans le marché.

Plus le réseau se développe, plus le déficit stratégique devient un handicap. Le Canada est ainsi le seul pays du G 8 à ne pas avoir de politique d’archivage de données. Une bonne partie de ce qui a été produit pendant la première décennie d’Internet, tant par les gouvernements que par les organismes à but non lucratif, a été perdue, souligne le rapport.

Il n’existe par ailleurs aucun inventaire complet des sites canadiens ni aucun mécanisme certifiant la qualité de l’information.

Les participants au forum se sont également montrés préoccupés du fait qu’on n’a pas suffisamment réfléchi sur les mécanismes assurant le consentement des créateurs alors que le format électronique est devenu incontournable. Le même constat est fait à l’égard de la sécurité des transactions effectuées par Internet.

Le manque de stratégie a aussi des conséquences sociales, comme l’inégalité d’accès selon les âges, les régions, le revenu et la scolarité. Alors que la première utilisation d’Internet se fait à l’âge de huit ou neuf ans, un fossé est en train de se creuser entre les jeunes générations et les personnes âgées; cette dernière catégorie de la population, qui constitue un groupe en pleine croissance, risque d’être exclue du mode d’accès aux services et à l’information qui est en voie d’être privilégié.

Finalement, il semble que les établissements d’enseignement ne saisissent pas toutes les possibilités qu’offre Internet comme outil de formation.

Conseil consultatif

Pour remédier à ces lacunes, le principal avis que formulent les auteurs du rapport concerne la création d’un conseil consultatif sur une politique d’Internet. Ce conseil prendrait en considération toutes les questions relatives à Internet, dont celles de l’accès et du contenu, et verrait à l’application des recommandations.

En ce qui concerne les droits d’auteur, le rapport propose que les fournisseurs de services perçoivent une cotisation permettant d’accéder au matériel des créateurs, cotisation qui servirait à rémunérer les auteurs.
Enfin, on recommande que des organismes agréés répertorient les sites canadiens et les cotent en fonction de la qualité de leur contenu.

Le rapport, qui formule une dizaine de recommandations, a été remis au premier ministre du Canada, aux ministres du Patrimoine et de l’Industrie, ainsi qu’aux ministres provinciaux concernés. On peut consulter les documents du forum à l’adresse www.ucalgary.ca/idcs-disc.

Daniel Baril



 
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