|
L’ingénieur Michel Bertrand a fabriqué dans son laboratoire un appareil capable d’apporter plus de précision à la bonne vieille palpation. |
La Société canadienne du cancer recommande à toutes les femmes de procéder à l’autoexamen mensuel des seins, dès l’âge de 20 ans, de façon à déceler les tumeurs le plus tôt possible. Des chercheurs de l’Institut de génie biomédical tentent de mettre au point une technique d’imagerie médicale qui imiterait la palpation manuelle mais avec une plus grande précision. L’élastographie, sorte de palpation assistée par ordinateur, pourrait aussi s’avérer utile pour la détection du cancer de la prostate.
«La palpation est une des plus vieilles méthodes d’investigation clinique, explique Michel Bertrand, professeur à l’Institut de génie biomédical et au Département de génie électrique de l’École Polytechnique. Elle permet de façon très simple de mesurer le contour, la dimension, la rigidité et la mobilité des tissus pour reconnaître la présence de masses anormales. Avec l’élastographie, on peut voir où sont situées les régions molles ou rigides d’un tissu et quantifier leur rigidité avec une précision plus rigoureuse que la méthode manuelle.»
La technique consiste à mesurer le champ de déformation qui résulte de l’application d’une force sur un tissu. Cette déformation est ensuite représentée sous forme d’images appelées «élastogrammes». «Une centaine de patients ont participé à des tests effectués par nos collègues de l’Université George-Washington et les résultats ont été suffisamment encourageants pour qu’on entame une série d’études cliniques dès ce printemps aux États-Unis.» Des essais devraient aussi être menés au CHUM à compter de 2004.
Élastographie et prostate
Dans le cas du cancer de la prostate, c’est par un toucher rectal que le médecin procède à l’examen préventif. Selon l’Encyclopédie canadienne du cancer, tout homme de 50 ans et plus doit subir ce dépistage à l’occasion de son examen médical habituel. L’élastographie peut, ici encore, rendre de précieux services.
Le professeur Bertrand est un des pionniers nord-américains de cette technologie en émergence, puisqu’il a commencé à travailler à l’élastographie dans les années 80. Ses travaux ont été financés dès 1994 par l’Institut national du cancer, une composante des Instituts nationaux de la santé (NIH) américains. En 1999, ceux-ci ont reconduit le financement pour une période de cinq ans pour plus de un million de dollars américains.
En 2002, une subvention de la Fondation canadienne pour l’innovation permettra l’acquisition d’appareils de pointe afin d’explorer de nouvelles pistes de recherche en neurochirurgie et en cardiologie. «Quand un chirurgien procède à une opération dans le cerveau, il doit enlever le plus de tissus pathologiques possible, sans nuire à l’organe. L’élastogramme peut être utilisé pour déterminer la position de la tumeur par rapport à certains repères, et ainsi assurer un meilleur geste chirurgical», explique M. Bertrand.
En cardiologie, un projet de recherche est en cours avec la collaboration du Dr Jean-Claude Tardif, de la Faculté de médecine. L’élastographie pourrait servir à suivre l’évolution postopératoire des angioplasties, à caractériser un anévrisme et à évaluer l’efficacité des prothèses cardiaques.
Mathieu-Robert Sauvé