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Les travaux de Michel Bouvier ont fait l’objet d’une recension dans Nature Reviews Drug Discovery. |
Michel Bouvier, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en pharmacologie moléculaire et cellulaire et directeur du Département de biochimie, croit avoir trouvé un nouveau type d’intervention pharmacologique qui permettrait d’activer des récepteurs cellulaires demeurés immatures.
Pour être fonctionnelles, les protéines qui agissent comme récepteurs membranaires doivent être repliées et amenées à la surface de la cellule; cet état est assuré par les protéines chaperons, qui les assistent dans leur repliement. Certaines maladies sont dues à une mutation empêchant ces récepteurs de se replier et d’atteindre leur stade fonctionnel.
Le procédé de Michel Bouvier consiste à imiter l’action des protéines chaperons à l’aide d’un ligand, c’est-à-dire une petite molécule qui a la propriété de se fixer à une protéine déterminée. Dans le cas en question, le ligand permet aux protéines réceptrices immatures de se replier et d’atteindre la surface de la cellule.
Par analogie avec les protéines chaperons, le chercheur a désigné ces ligands moléculaires du nom de «chaperons pharmacologiques». Cette découverte ouvre une nouvelle voie dans le traitement de certaines maladies, là où des traitements traditionnels consistaient jusqu’ici à suractiver les récepteurs déjà fonctionnels.
«Nous avons montré que le concept de chaperons pharmacologiques fonctionne pour les récepteurs opioïdes sensibles aux antidouleurs, affirme Michel Bouvier. Nous avons aussi démontré que ces chaperons peuvent agir sur des récepteurs normaux non mutés mais qui seraient mal repliés.»
Selon le chercheur, les ligands en question peuvent en fait rendre fonctionnels jusqu’à 100 % des récepteurs.
Ces travaux, publiés dans le numéro d’avril 2002 de la revue European Molecular Biology Organization, sont considérés comme majeurs et ont été soulignés par deux autres périodiques prestigieux, soit la revue Molecular Interventions, de l’American Society of Pharmacology and Experimental Therapeutics, qui leur a consacré un éditorial, et la revue Nature, où ils ont fait l’objet d’une recension dans le Nature Reviews Drug Discovery de juillet dernier.
Une première application dans le diabète insipide
La découverte de l’équipe de Michel Bouvier repose sur une autre découverte également attribuée à un professeur du Département de médecine, Daniel Bichet. Chercheur au Centre de recherche de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, M. Bichet et son équipe ont démontré que le diabète néphrogénique (ou diabète insipide) est dû à une mutation des récepteurs de vasopressine — une hormone antidiurétique — qui les empêche de se relier et d’atteindre la surface. Comme la vasopressine règle la rétention d’eau, les patients atteints de cette forme de diabète urinent sans cesse et risquent la déshydratation.
Un traitement de cette maladie à l’aide de chaperons pharmacologiques en est actuellement au stade des études cliniques. Et selon Michel Bouvier, les résultats s’annoncent fort encourageants.
D’autres ententes sont en vue afin de tester le concept des chaperons dans des traitements antidouleur.
Daniel Baril