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Guylaine Ferland consacre l’essentiel de ses recherches à la vitamine K. |
Présente dans les légumes verts (les épinards, le chou, le brocoli), la vitamine K est connue depuis les années 30 pour ses propriétés coagulantes; la lettre K vient d’ailleurs du verbe allemand koagulieren, qui signifie «coaguler». Mais de plus en plus étudiée au cours des 25 dernières années, cette vitamine ne cesse de surprendre les chercheurs. On sait qu’elle joue un rôle dans la formation de la structure osseuse et dans les mécanismes cognitifs.
Une vitamine qui rend intelligent? «Disons que ne pas en consommer suffisamment pourrait engendrer des problèmes cognitifs, explique Guylaine Ferland, professeure au Département de nutrition, dont les activités de recherche portent principalement sur cette mystérieuse vitamine. En tout cas, les rats qui ont été soumis à un régime pauvre en vitamine K ont connu un déficit cognitif à un âge avancé.»
Dans son laboratoire, la chercheuse a fait subir à des rats le test de la «piscine de Morris». Dans un bassin, le rat doit s’orienter avec des repères visuels afin de retrouver une plaque immergée sur laquelle il peut se reposer. À l’âge de 6 mois et de 12 mois, les rongeurs n’ont aucun mal à se tirer d’affaire même lorsque leur alimentation est faible en vitamine K. Mais à 21 mois, la carence alimentaire se fait sentir. «La différence de performance à ce test visant à évaluer l’apprentissage cognitif est d’environ 35 % entre les rates du groupe dont le régime était pauvre en vitamine K et celles qui ont consommé suffisamment de cette vitamine», souligne la chercheuse.
Myéline et vitamine
L’équipe de la professeure Ferland a entrepris des travaux sans précédent sur la façon dont se distribue la vitamine K dans le cerveau. Résultat: elle se concentre dans le mésencéphale et le bulbe Pons, des régions riches en substance blanche (myéline). Une protéine du système nerveux, Gas6, étant dépendante de la vitamine K, on veut savoir exactement quels sont les effets d’un régime carencé.
La prochaine étape consistera à mener des expériences avec des sujets humains. Responsable de la recherche clinique à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, Mme Ferland estime que les recherches in vitro et in vivo sont assez avancées pour permettre de faire le saut. «Nous voulons profiter de l’expertise du centre de recherche en neurosciences présente à l’Institut pour apporter un élément de plus aux travaux en nutrition», dit la spécialiste.
Actuellement, la vitamine K est absente des complexes de multivitamines en vente libre, car, justement en raison de son rôle central dans la coagulation, elle peut interférer avec l’action de médicaments anticoagulants comme le Coumadin. Sous forme synthétique, elle n’est vendue que sur ordonnance.
Mangez vert!
Bien qu’ils constituent la source la plus riche de vitamine K, les légumes verts ne sont pas les seuls à en contenir: les huiles de soya et de colza en renferment aussi, de même que les feuilles de thé vert. (Malheureusement, dans ce dernier cas, la plus grande partie de la vitamine est éliminée par l’infusion.)
Autre source importante: les fines herbes. «Nous avons mesuré la teneur en vitamine K d’une trentaine de fines herbes et constaté que certaines, comme l’origan, l’estragon, le céleri en flocons, la sarriette, le romarin et la sauge en contenaient beaucoup. Qu’elles soient consommées séchées ou fraîches ne changent généralement rien à leur qualité.»
Combien de légumes verts faut-il manger par jour pour vivre longtemps (et… intelligent)? Mme Ferland précise que les apports recommandés quotidiens de vitamine K selon la Food and Drug Administration américaine sont de 120 µg (microgrammes) pour les hommes et de 90 µg pour les femmes. Selon le Manuel de nutrition clinique (édition 2000), un concombre frais avec sa pelure contiennent 76 µg de vitamine K, une demi-tasse (125 mg) de chou en renferme 180 µg et la même quantité d’épinards frais crus 113 µg. Certains légumes sont moins riches en vitamine K: les pois mange-tout n’en contiennent que 19 µg par demi-tasse, les haricots verts crus 29 µg et la laitue Boston 36 µg.
Mais la règle est simple: il faut manger vert. Facile quand on est, comme Guylaine Ferland, amateur de légumes.
Mathieu-Robert Sauvé