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Des ruines anassazis dans le canyon de Chelly, en Arizona. En logeant sous la falaise et du côté sud du canyon, les habitants pouvaient bénéficier de l’ombre lorsque le soleil est haut en été et de la chaleur de l’astre lorsqu’il est bas en hiver. |
Il y a 1000 ans, les Indiens anassazis qui vivaient aux confins de l’Arizona, de l’Utah et du Colorado savaient prévoir les solstices avec une précision comparable à celle d’aujourd’hui.
Ces connaissances astronomiques auraient permis à ce peuple du désert de vivre d’agriculture là où il ne tombe que de 22 à 25 centimètres de pluie par année.
C’est ce qu’a illustré Paul Charbonneau, professeur au Département de physique, au cours d’une conférence sur les connaissances astronomiques des Anassazis le 6 septembre dernier. Considéré comme une sommité internationale dans le domaine de l’activité magnétique du Soleil et récemment recruté par l’Université, Paul Charbonneau s’est intéressé à l’histoire et à la culture de ce peuple alors qu’il travaillait au National Center for Atmospheric Research à Boulder, au Colorado.
De l’astronomie solaire au calendrier solaire préhistorique, il n’y avait pour lui qu’un pas à franchir. L’ancien territoire des Anassazis, disparus au tournant du 14e siècle, regorge en effet de signes montrant qu’ils possédaient des connaissances avancées en astronomie solaire et qu’ils s’en servaient pour établir leur calendrier des moissons.
Calendrier solaire
Les nombreuses constructions laissées dans la région par ces Amérindiens témoignent de leur savoir-faire étendu et d’une technologie avancée. Certaines constructions de même que plusieurs pétroglyphes (peintures sur pierre) ont été interprétés comme étant des calendriers permettant de prévoir l’arrivée des solstices d’été et d’hiver.
Dans une tour, les archéologues ont remarqué que de petites ouvertures obliques pratiquées dans les murs correspondaient exactement à l’emplacement du lever et du coucher du soleil lors des deux solstices. «Ceci prouve que cette tour était en fait un calendrier solaire, affirme Paul Charbonneau. Savoir prévoir les solstices annonciateurs des changements de saison était crucial pour ce peuple du désert afin qu’il puisse amorcer les préparatifs des semis ou des moissons au bon moment.
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Un lieu de culte des Anassazis sur la butte Fajada, au Nouveau-Mexique. Derrière ces dalles, les chamans ont gravé une spirale dans la pierre: au solstice d’été, la lumière sépare la spirale en deux alors qu’au solstice d’hiver elle l’encadre de deux rayons. |
Lieux de culte et supernova
«Et lorsqu’une chose devient très importante, ajoute l’astronome, on a vite fait de l’ériger en religion.» Certains sites montrent en effet que les solstices étaient également des occasions de célébration. Sur un large piton rocheux qui semble avoir été un lieu de culte, les archéologues ont découvert, derrière trois dalles appuyées contre la falaise, une spirale gravée dans la pierre.
Au solstice d’été, le soleil passe derrière les dalles et projette une pointe de lumière divisant la spirale en deux parties égales. Au solstice d’hiver, deux rayons de lumière encadrent la spirale. Chez les Anassazis, la spirale était un symbole courant qui pourrait figurer à la fois l’eau et le soleil.
D’autres pétroglyphes passent pour représenter l’explosion d’une supernova survenue dans la nuit du 4 juillet 1054 et qui a donné naissance à la nébuleuse du Crabe. Selon les astronomes, le dessin d’un croissant de lune et d’une étoile illustre exactement ce qu’ont pu observer les prêtres anassazis cette nuit-là, alors que le premier croissant de lune était dans la même position que celle du pétroglyphe et à égale distance de l’étoile qui est devenue subitement aussi brillante que Vénus. L’empreinte d’une main représenterait quant à elle le sacré, ce qu’il est interdit de toucher, voire le contact avec l’au-delà, montrant qu’un événement majeur est survenu ou encore que le lieu était sacré.
À proximité, un symbole solaire entouré d’un nuage rouge s’étendant sur un côté à la manière d’une comète pourrait être la représentation du passage de la comète de Halley en 1066.
Avec les connaissances astronomiques que semblaient posséder les Anassazis, on comprend l’intérêt que leur porte Paul Charbonneau; en fait, ils sont un peu les précurseurs de sa science.
Daniel Baril