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Jean-Yvon Timothy, directeur du BLEUS, et Pierre Des Lierres, coordonnateur du programme Préval. |
Breveter ou ne pas breveter? Tout chercheur devrait se poser cette question avant d’annoncer le résultat d’une recherche, que ce soit au cours d’un congrès ou dans une revue scientifique.
«Après, il est en général trop tard pour acquérir un brevet ou une licence sur une découverte ou une invention», explique Pierre Des Lierres, coordonnateur de Préval, un tout nouveau programme de «prévalorisation» des résultats de recherche géré par le Bureau de liaison entreprises-Université et des subventions (BLEUS).
Selon lui, les chercheurs d’ici n’ont pas toujours le réflexe de s’interroger sur le potentiel commercial de leurs travaux. Pourtant, la communication au Bureau des brevets de leurs découvertes peut avoir des retombées intéressantes pour leur laboratoire et leur équipe de recherche. Mais une pression constante sur les universitaires afin qu’ils publient («publish or perish») fait que cet aspect est négligé.
Pour mériter un brevet, une découverte doit répondre à trois critères: la nouveauté, l’utilité et la fonctionnalité. Lorsqu’il y a divulgation publique des résultats, que ce soit dans une salle de conférences à l’autre bout du monde ou dans une revue à tirage modeste, on ne peut malheureusement plus parler de «nouveauté».
En plus du coordonnateur, le BLEUS a engagé trois experts pour informer de cette question les quelque 1700 chercheurs de l’Université de Montréal et des écoles et hôpitaux affiliés: Yves Blais, Jean-Pierre Labelle et Nathalie Ouimet. Tous possèdent une solide expérience en transfert technologique. Pierre Des Lierres, par exemple, est un diplômé de l’École Polytechnique en génie industriel qui a mis sur pied deux entreprises en informatique; Yves Blais est versé en biotechnologie; Jean-Pierre Labelle est titulaire de diplômes en géologie et en gestion de projets; et Nathalie Ouimet, chimiste et titulaire d’une maîtrise en administration des affaires, a travaillé 10 ans dans une grande entreprise pharmaceutique.
Le BLEUS a reçu pour le programme Préval une subvention de plus de un million de dollars sur trois ans du gouvernement fédéral. Il s’agit de la deuxième somme en importance au Canada. «Nous répondons depuis longtemps à la demande sur ces questions, mais le BLEUS se devait d’être plus proactif, explique le directeur, Jean-Yvon Timothy, qui s’est personnellement occupé de ce dossier. Il se réjouit d’avoir de meilleurs moyens pour faire connaître les enjeux de la propriété intellectuelle.
Pas d’atteinte à la liberté
L’an dernier, les chercheurs de l’Université de Montréal et des écoles et hôpitaux affiliés ont obtenu 47 brevets et une vingtaine de licences, soit un titre pour chaque tranche de quatre millions de fonds de recherche. Compte tenu de l’importance de la recherche subventionnée, cette proportion pourrait être augmentée. «La moyenne, au Canada, est de un brevet par tranche de deux millions de fonds amassés. Je ne vois pas pourquoi l’Université de Montréal ferait moins», dit M. Timothy.
Les nouveaux agents du BLEUS ont commencé à rencontrer des chercheurs pour les sensibiliser à la question de la propriété intellectuelle. Ils ont du pain sur la planche, car les 1700 chercheurs sont concernés. Même les chercheurs en sciences humaines sont touchés, car la propriété intellectuelle englobe aussi les droits d’auteur.
«Notre rôle n’est pas d’obliger les professeurs à exploiter commercialement leurs découvertes, souligne le coordonnateur du programme. Le chercheur demeure parfaitement libre de breveter ou non ses résultats. Mais s’il désire le faire, il doit connaître la marche à suivre. C’est là que nous pouvons l’aider.»
Au cours des dernières années, il est arrivé plusieurs fois que des chercheurs téléphonent au BLEUS la veille d’une annonce publique importante pour s’enquérir de la façon dont ils pouvaient protéger leur découverte. On leur répondait qu’il était malheureusement trop tard, car l’obtention d’un brevet nécessite plusieurs semaines de démarches. C’est dans le but d’éviter ces situations que le BLEUS a mis sur pied la nouvelle équipe. «Je suis convaincu que les chercheurs sont sensibles à la propriété intellectuelle. Mais ils ignorent la marche à suivre, trop pressés qu’ils sont de publier leurs résultats», affirme M. Timothy.
L’obtention de brevets pour une découverte peut rapporter beaucoup d’argent à son titulaire, même si une part de 50 % revient à l’Université. Les codécouvreurs, parmi lesquels peuvent figurer des étudiants, ont aussi droit à une reconnaissance.
Les partenaires de l’Université de Montréal dans Préval sont les deux écoles affiliées, les hôpitaux Sainte-Justine, Maisonneuve-Rosemont et du Sacré-Cœur en plus du CHUM, de l’Institut de gériatrie et de la société Univalor. Les étudiants sont représentés par le Centre d’entrepreneurship.
Créée l’an dernier, la société à capital de risque Univalor a pour mandat de commercialiser des inventions et découvertes signées par des chercheurs de l’Université de Montréal et ses partenaires. M. Timothy espère que l’augmentation du nombre de brevets servira à alimenter cette société.
Mathieu-Robert Sauvé