Édition du 30 septembre 2002 / volume 37, numéro 6
 
  Les sommets de la terre dans le creux de la vague
Pour Jean-Guy Vaillancourt, les sommets de la terre ont leur utilité même si celui de Johannesburg est un demi-échec.

 

«Les sommets de la terre sont insuffisants mais nécessaires», affirme Jean-Guy Vaillancourt. 

Tous en conviennent: le Sommet de la terre tenu à Johannesburg le mois dernier a accouché d’une souris. Mais pour Jean-Guy Vaillancourt, mieux vaut une souris que rien du tout.

Le professeur d’écologie humaine au Département de sociologie suit de près ces sommets onusiens sur l’environnement depuis la première rencontre organisée à Stockholm en 1972. Il a même assisté aux deux dernières en date, soit celle de Rio en 1992 et celle de Johannesburg, en tant que membre de l’Union québécoise pour le développement durable, un regroupement d’universitaires agréé par l’Union internationale pour la conservation de la nature.

Pour qualifier le sommet de cette année, Jean-Guy Vaillancourt hésite entre les termes «demi-échec» et «demi-succès». «Considérant les promesses demeurées lettre morte après le sommet de Rio sur le développement durable, le seul fait que la rencontre de Johannesburg a eu lieu est en soit un succès», affirme-t-il.

L’axe du mal

Comme les autres observateurs, le sociologue attribue les minces résultats au blocage opéré par les États-Unis alors que l’Union européenne jouerait à son avis un rôle positif. «Les États-Unis ne voulaient pas y participer et Bush avait même déclaré que “notre mode de vie n’est pas négociable”», résume le professeur.
Les États-Unis refusent notamment d’augmenter leur part d’énergie renouvelable au même rythme que l’Europe, n’acceptent pas de relever la part de ces énergies à l’échelle internationale, rejettent le concept d’imputabilité des entreprises industrielles et veulent imposer leurs OGM en guise d’aide alimentaire aux pays en développement. «Ils souhaitent avoir l’eau du Canada, mais sans en donner au Mexique, ajoute le professeur. Ils refusent de faire leur part et font payer le prix de l’environnement aux autres.»

Le Sommet a tout de même conduit à des ententes visant à assurer, d’ici 2015, l’accessibilité à l’eau potable pour la moitié du 1,1 milliard d’êtres humains qui en manquent actuellement; on veillera aussi à faciliter l’accès à des services sanitaires à la moitié des 2,4 milliards d’habitants qui en sont privés. On visera à réduire des deux tiers la mortalité infantile et à diminuer des trois quarts le nombre de décès de femmes en couches.

Ces ententes font dire à Jean-Guy Vaillancourt que les sommets ont leur utilité, même si des promesses du même genre n’ont pas été respectées après le sommet de Rio.

«Il faut reconnaître que c’est le sommet de Rio qui a préparé le protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre et ce protocole sera signé par un nombre suffisant de pays pour entrer en vigueur même sans l’accord des États-Unis, souligne-t-il. Réduire de six pour cent le taux de 1990 de ces gaz ne représente peut-être pas grand-chose, mais c’est mieux que rien. Comme pour l’accès à l’eau potable, ces ententes indiquent une marche à suivre qui n’existerait pas sans les sommets.»

Les protocoles contiennent par ailleurs des sanctions susceptibles d’être appliquées contre les pays qui ne respecteraient pas ces ententes.

Forums parallèles

Et les forums parallèles ont-ils un effet sur les décisions prises? Pour Jean-Guy Vaillancourt, leur principal impact est de faire avancer la conscience environnementale. «C’est un grand exercice de conscientisation pour tous, autant pour les décideurs que pour le grand public, dit-il. Ils stimulent les ONG, tout le monde en parle. Ils sont également l’occasion de faire avancer les connaissances puisque beaucoup de scientifiques y participent. Les chefs d’État aiment s’y faire voir et sont obligés d’avoir quelque chose à annoncer. À la suite des sommets, le public peut aussi exercer des pressions si les protocoles ne sont pas respectés ou si les ententes ne vont pas assez loin.»

De plus, certaines ONG qui alimentent les forums parallèles envoient des observateurs aux sommets officiels et peuvent ainsi intervenir auprès des décideurs. C’est notamment le cas de Green Peace, de la World Wildlife Foundation et de l’Union internationale pour la conservation de la nature.

Pour le sociologue, il faut donc maintenir la pression mais en évitant d’enrayer le processus par des actions violentes ou trop radicales. «Les radicaux préféreraient qu’on n’aboutisse à rien plutôt qu’à des demi-mesures ou encore qu’il n’y ait plus de sommets si rien de concret n’est entrepris. Si ce discours doit être tenu, c’est uniquement à des fins stratégiques de pression et d’éducation parce que les sommets, même insuffisants, demeurent nécessaires.»

Les décideurs ne peuvent en réalité aller plus loin que ce que le public est prêt à faire. Pour Jean-Guy Vaillancourt, le développement durable et la protection de l’environnement commencent par des gestes concrets que chacun peut accomplir dans sa vie quotidienne. «Il faut s’astreindre à consommer moins et accepter l’idée de l’austérité joyeuse de Pierre Dansereau ou de la simplicité volontaire de Serge Mongeau.»

Daniel Baril



 
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