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L’étude de Jacques Bergeron montre que les adolescents grands consommateurs d’alcool ou de drogues perçoivent moins les risques d’accident à vélo que ceux dont la consommation n’est pas problématique. |
On se préoccupe beaucoup de l’alcool au volant, mais bien peu d’attention a été accordé à la consommation d’alcool et de drogues chez les cyclistes. Soucieux de l’augmentation notable de ce type de consommation chez les adolescents, Jacques Bergeron a voulu mesurer si ce comportement présentait un facteur de risque d’accident lorsque les jeunes utilisent leur vélo.
À peine quelques études ont été effectuées sur ce sujet, mais des données américaines et européennes du début des années 90 indiquent que de 30 à 38 % des cyclistes décédés dans des accidents étaient sous l’effet de l’alcool.
L’étude de Jacques Bergeron, menée auprès de 606 adolescents de 14 à 17 ans, est la première du genre au Québec. Le professeur du Département de psychologie présentait ses résultats au Forum mondial sur les drogues et les dépendances le 24 septembre dernier.
Consommation problématique
D’abord, il ressort que près de 95 % des adolescents interrogés utilisent un vélo. Dans les 30 derniers jours, 56 % avaient consommé au moins une fois de l’alcool ou du cannabis.
Il semble toutefois que très peu d’adolescents prennent leur vélo lorsqu’ils ont consommé. Mais pour mesurer plus précisément le facteur de dangerosité, le chercheur a établi une échelle tenant compte du nombre de consommations et de leurs effets négatifs, selon le jeune, sur sa santé, sa famille, ses relations amoureuses, ses économies et l’inclination à la délinquance. Plus ces effets sont jugés sévères, plus la consommation est considérée comme problématique; 26 % des filles et 33 % des garçons ont ainsi révélé une consommation problématique émergente ou évidente.
Les recoupements des données montrent des différences marquées d’attitude entre les adolescents selon qu’ils sont jugés à risque ou non: plus leur consommation est problématique, moins ils perçoivent les dangers d’accident.
Par exemple, les adolescents à «consommation problématique» sont 10 fois moins nombreux à porter un casque de sécurité que ceux dont le profil n’est pas à risque; deux fois plus nombreux à brûler les feux rouges, à circuler en sens inverse et à rouler entre les voitures; et cinq fois plus nombreux à utiliser leur vélo pour aller consommer. Ils reconnaissent même l’utiliser «assez souvent» après deux consommations. Les données, dont l’analyse n’est pas encore terminée, montrent en outre que les adolescents à risque déclarent trois fois plus d’accidents que leurs camarades plus sages.
Lorsqu’on leur demande s’ils laisseraient leur ami monter à vélo sous l’effet de l’alcool ou de drogues, la réponse la plus fréquente des plus sages est «J’essaierais de le décourager» alors que les plus téméraires répondent plutôt que cela leur est égal.
Selon Jacques Bergeron, la corrélation entre consommation problématique et attitude à l’égard du risque apparaît suffisamment significative pour affirmer qu’il y a «une urgente nécessité à tenir compte de la relation entre alcool, drogues et vélo». Prendre cette relation en considération implique, à son avis, qu’il y ait concertation entre les différents intervenants auprès des cyclistes et des consommateurs d’alcool et de drogues, qui devront amorcer un dialogue.
Daniel Baril