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Dans sa recherche doctorale, Mélanie M. Gagnon a collaboré à la mise en place d’un programme d’intervention pour venir en aide aux enfants qui ont des comportements sexuels inappropriés pour leur âge.
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Dans les cours d’écoles, des enfants âgés de 6 à 12 ans procèdent à des attouchements sexuels sur d’autres garçons et filles. Ces attouchements vont jusqu’à la sodomie.
«Le phénomène est dérangeant mais bien réel, affirme Mélanie M. Gagnon, chercheuse au Département de psychologie. Le problème est trop inquiétant pour être ignoré.» L’état des connaissances actuelles révèle que les gestes de ces enfants peuvent être aussi agressifs que ceux des adolescents ou des adultes. Trop jeunes pour être traduits en justice et trop à risque pour les foyers d’accueil où il y a d’autres enfants, ces petits étaient jusqu’à maintenant laissés à eux-mêmes.
Dans une recherche doctorale dirigée par la professeure Huguette Bégin, Mélanie M. Gagnon a collaboré à l’élaboration d’un programme d’intervention pour venir en aide à ces jeunes qui ont des comportements sexuels inappropriés pour leur âge. «La demande est là et très peu de services sont actuellement à leur disposition, souligne la future psychologue. Notre stratégie consiste entre autres à fournir des outils aux intervenants qui ne savent pas toujours quand il est nécessaire d’agir ni quel type d’intervention adopter.»
Connaissances limitées sur la sexualité
Les jeux sexuels font partie de la socialisation, rappelle Mélanie M. Gagnon. Les enfants explorent leur propre corps en se regardant nus dans le miroir et en se caressant. Ils explorent aussi le corps de leurs amis en «jouant au docteur» et même, dans certains cas, en se frottant les uns les autres sans toutefois se dévêtir. Mais comment distingue-t-on les comportements appropriés de ceux qui ne le sont pas? «Lorsque le comportement sexuel empiète sur les autres sphères de la vie de l’enfant, il y a lieu de s’inquiéter. Par exemple, s’il préfère se masturber au lieu d’aller jouer au parc avec ses amis, il y a un problème», explique Mme Gagnon.
On note trois profils d’enfants aux comportements sexuels problématiques. Il y a ceux qui n’agissent que sur eux-mêmes. Ils se masturbent de façon compulsive ou insèrent un doigt ou un objet dans leur vagin ou leur anus. D’autres ont des comportements sexuels avec des enfants sans qu’il y ait contrainte, mais leurs gestes sont très poussés pour leur âge. Et, enfin, il y a ceux qu’on qualifie d’agressifs. Ils accomplissent des gestes sexuels d’adultes auprès de leurs pairs en ayant recours à la coercition ou à l’intimidation.
«Le répertoire des gestes est vaste, souligne Mélanie M. Gagnon. Cela va du baiser avec la langue à la pénétration vaginale ou anale en passant par la fellation et les relations bucco-génitales.»
Selon la spécialiste, plus de 75 % de ces enfants ont été agressés sexuellement ou exposés à des modèles sexuels déviants et proviennent d’un milieu familial dysfonctionnel. La violence physique et la négligence des parents semblent également faire partie de l’histoire de ces jeunes, dont une proportion significative vit hors du milieu familial d’origine et éprouve des difficultés d’apprentissage scolaire. Ces enfants, qui ont une grande curiosité à l’égard de la sexualité, possèdent paradoxalement peu de connaissances sur le sujet, faute d’une éducation adéquate. Ils souffrent généralement de troubles de comportement et prennent au moins un médicament, souvent du Ritalin.
Thérapie de groupe
Pour Mélanie M. Gagnon, il est très important de traiter le plus tôt possible ces jeunes. «L’âge du premier comportement sexuel problématique rapporté est de six ans, mais ils vont souvent en avoir commis auparavant. Il faut offrir un traitement avant que le comportement soit enraciné. D’autant plus que ces enfants présentent un profil délinquant qui risque de s’aggraver au cours de leur développement.»
Le programme d’intervention mis en place par la chercheuse et Claudia Tremblay, psychologue pour les centres jeunesse de Lanaudière, en est à sa troisième année d’expérimentation. Il a déjà permis de traiter une quarantaine de jeunes, filles et garçons. Venus principalement des régions de Lanaudière et de l’Outaouais, ils ont suivi un traitement à raison d’une séance de thérapie par semaine pendant près de six mois.
En petits groupes, ils sont amenés progressivement à s’ouvrir, à parler de leur passé, souvent ponctué de violence, et à décrire leur expérience. L’enfant prend peu à peu conscience de ses comportements négatifs et renforce ses comportements sociaux positifs. Il apprend aussi comment contrôler ses pulsions. Le programme d’intervention comprend de plus un volet destiné aux parents et aux adultes responsables de l’enfant.
S’il est encore trop tôt pour dire si le programme devrait être étendu à l’ensemble du Québec, il est clair pour Mélanie M. Gagnon qu’il faut poursuivre les recherches dans ce domaine. «Sur une période aussi courte que trois ans, le nombre de participants s’est accru considérablement, signale-t-elle. Cela laisse croire que la présence de comportements sexuels problématiques chez les enfants n’est pas un phénomène aussi rare qu’on pourrait le penser.»
Dominique Nancy