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En s’accompagnant au piano, Rosemarie Landry dirige la séance de chant de l’étudiante Anick Lamarche. |
Acclamée par les critiques musicaux comme une des sopranos canadiennes les mieux connues et les plus accomplies, Rosemarie Landry a même été décrite comme une des grandes artistes de notre temps.
Responsable du secteur chant de la Faculté de musique, elle ne compte pas se reposer sur ses lauriers. Même si la croissance des inscriptions en chant a été de 100 % depuis son arrivée. Même si les productions d’opéra de l’Université sont de plus en plus courues par le public montréalais.
Rosemarie Landry est une véritable battante, et elle compte bien continuer à servir son secteur avec la même passion qui l’a animée durant sa carrière de chanteuse. C’est cette passion qui a fait d’elle un membre de l’Ordre du Canada, un chevalier de l’Ordre des arts et des lettres du gouvernement français, un chevalier de l’Ordre de la Pléiade, entre autres…
Aujourd’hui, son engagement auprès de ses 19 étudiants est total. Le sous-main qu’on peut voir sur son bureau contient, magnifiquement agencées, les photos de chacun d’eux. «Je ne vous mentirai pas, confie la chanteuse. Il n’y a rien au monde qui puisse remplacer la scène. Mais une fois qu’on a fait un choix, il faut l’aimer et y transférer son énergie.»
En ce moment même, l’Atelier d’opéra de la Faculté de musique s’affaire à monter sa cinquième production depuis l’arrivée de Mme Landry: Dialogues des carmélites, un opéra de Francis Poulenc sur un texte de Georges Bernanos. Après La flûte enchantée, de Mozart, Beatrix et Benedict, de Berlioz, Gianni Schicchi, de Puccini, et Cendrillon, de Rossini, les Dialogues promettent une nouvelle intensité dramatique. «Tous les secteurs de l’interprétation y sont sollicités, mentionne la responsable, et l’orchestre est fantastique. Nous pouvons dire que nous sommes en progression constante grâce à un soutien indéfectible de la part de la Faculté, et ce, malgré le manque d’argent.»
Qualité et ambition
Un des termes clés du discours de Rosemarie Landry est le mot «qualité». «Bien entendu, nous connaissons une croissance exponentielle des inscriptions. Mais pour moi, la croissance la plus importante est celle de la qualité. Et je ne parle pas seulement de la qualité des chanteurs, mais aussi de celle de l’enseignement. À partir du moment où l’on a un bassin d’interprètes d’un bon niveau, on peut compter sur des productions de plus en plus ambitieuses.»
«Ambition», voilà d’ailleurs un autre mot que la soprano emploie fréquemment. Pour devenir chanteur, il faut beaucoup plus qu’une belle voix. Il faut de la personnalité — ce que la pédagogue appelle joliment l’âme —, puisqu’elle transparaît inévitablement derrière la voix, une discipline de fer, une persévérance à peine imaginable, une ambition à toute épreuve et l’incontournable passion qui caractérise tout artiste digne de ce nom.
«Il faut que le chanteur ait le feu sacré, qu’il soit aussi fou, passionné et ambitieux que je l’ai été et que je continue à l’être. Les artistes lyriques font à peu près le même nombre d’années d’études universitaires que leurs collègues en médecine. Bien sûr, ces derniers travaillent comme des fous, mais, à la fin de leurs études, ils sont presque assurés de se trouver du travail. Les chanteurs, eux, sortent de l’école à 30 ans — car la voix exige une longue maturation, contrairement aux autres instruments — avec des dettes, sans travail, sans aucune certitude de pouvoir gagner leur vie. C’est un peu de la folie!»
Heureusement, ces années d’études, surtout depuis que la Faculté de musique a entrepris de monter des productions d’opéra, permettent à l’aspirant chanteur d’acquérir une expérience de la scène, de chanter avec un orchestre, de se préparer à ce qu’on appelle la carrière.
«L’année qui suit la fin des études est très dure. Il faut être très bien préparé parce que, soudainement, on n’est plus encadré; il faut continuer à travailler, garder une discipline personnelle. C’est ce que nous essayons de donner à nos chanteurs, cet amour qu’on a eu pour le métier, malgré ses exigences.»
Rosemarie Landry ne cache pas qu’elle nourrit la même ambition pour son secteur que celle qu’elle a nourrie pour sa carrière scénique. Si l’enseignement la comble, elle ne voit pas pourquoi elle en resterait là. Mais que souhaite la soprano? «Que nos productions deviennent notoires! Que nous devenions incontournables! s’exclame-t-elle avec un bel enthousiasme. Mais mon premier souci est bien sûr la qualité. Il reste encore bien du chemin à parcourir pour que les étudiants soient vraiment en mesure de faire face à la réalité et soient prêts pour la carrière. Ça, c’est ce que je m’efforce de leur transmettre.»
Et avec toute l’énergie qui l’habite, à n’en pas douter!
Dominique Olivier
Collaboration spéciale