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Illustration de Jacques Goldstyn, modifiée par Luc Girard. |
De «gardien des livres» à «professionnel de l’information»
Depuis une trentaine d’années, la profession de bibliothécaire a connu une révolution majeure à la mesure du développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication. On pourrait même dire que la bibliothéconomie est un des domaines de l’activité humaine qui ont subi le plus de changements importants ces dernières années si l’on songe qu’on est passé du fichier cartonné aux bases de données en hypertexte en quelques décennies. Qui aurait pu prédire que la communauté universitaire aurait accès à une bibliothèque virtuelle dans le réseau Internet au cours des années 2000, alors qu’il y a peu de temps chaque département réclamait sa bibliothèque spécialisée?
Maintenant, un chercheur, peu importe l’endroit où il se trouve dans le monde, peut accéder à l’information spécialisée et scientifique de son choix en un clin d’œil. Il lui suffit d’avoir en sa possession un ordinateur et son mot de passe et de connaître un tant soit peu la méthodologie de recherche de l’information. De plus, cette information est à la fois textuelle, audiovisuelle et numérique.
Cette évolution a demandé aux membres de la profession une capacité d’adaptation hors du commun, puisque les transformations sur les plans organisationnel, informationnel et technologique se sont bousculées à un rythme soutenu jusqu’à ce jour. Et ce n’est qu’un début. On peut prévoir que, d’ici quelques années, un grand nombre de bases de données auront été regroupées et seront interrogeables au moyen de la voix humaine. Le bibliothécaire sera toujours quelque part devant ou derrière l’ordinateur, puisqu’il contribue et continuera toujours de contribuer à l’organisation de l’information de ces bases de données spécialisées. Eh oui, ce n’est plus de la science-fiction.
Il y a à peine quelques années, ma femme me demandait, avec un air moqueur, pourquoi je regardais régulièrement la série Star Trek. Je lui répondais que je m’intéressais particulièrement à l’ordinateur auquel s’adressait le capitaine Picard pour trouver son information et que je vivais déjà dans ce monde-là au sein des bibliothèques de l’Université de Montréal. Le plus intéressant, c’était d’observer qu’à partir de la demande initiale l’ordinateur communiquait toujours une estimation du temps pour donner la réponse: celle-ci n’était jamais instantanée. C’est que la machine comme l’être humain doit procéder à des opérations booléennes pour découvrir une information significative et relativement complète sur un sujet précis. Avis aux étudiants de premier cycle: se contenter d’une recherche partielle qui nous fournira une information incomplète comporte des risques et des coûts. Ce n’est certainement pas là une démarche scientifique.
Professionnel des sciences de l’information
Pour terminer, je crois sincèrement qu’il faut changer le titre de la profession — dont l’étymologie première provient du grec biblion (livre) et de thêkê (lieu de dépôt), soit gardien du dépôt des livres, et du latin bibliothecarius (préposé aux livres) — pour «professionnel des sciences de l’information» ou quelque chose de semblable.
Il faut que l’appellation rende justice aux nouvelles réalités du travail des professionnels des sciences de l’information du 21e siècle.
De nos jours, ces professionnels qui exercent des activités relatives à la gestion de l’information doivent repérer, choisir, acquérir, analyser, traiter, organiser, conserver, rendre accessible et diffuser cette information en utilisant l’informatique documentaire. Ils doivent également former aux méthodes intellectuelles de recherche et aux technologies de l’information. Il est aussi de leur responsabilité de créer des portails dans Internet dans leurs disciplines respectives pour ainsi assurer la veille informationnelle, intellectuelle et technologique. Le titre «bibliothécaire» ne reflète plus le contenu intellectuel de l’activité. Après une brillante carrière, ce titre devrait prendre une retraite bien méritée pour être remplacé par un nom plus actuel, comme l’a fait l’«apothicaire», dont peu de personnes se souviennent, qui est devenu le «pharmacien». L’Homo bibliothecus doit s’affranchir de cette appellation par trop désuète!
Luc Girard
Bibliothécaire de référence
Géographie, relations industrielles et sciences économiques