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Plus de 600 familles québécoises seraient susceptibles d’afficher une mutation génétique prédisposant au cancer de l’ovaire, affirme Diane Provencher. |
Au Canada, près de 1500 nouveaux cas de cancer de l’ovaire sont diagnostiqués chaque année. Plus d’une centaine de cas affectent des femmes avec des antécédents de cancer dans leur famille ou qui sont porteuses d’une mutation rendant inactifs les gènes BRCA1 et BRCA2 (pour breast cancer), deux gènes protecteurs contre le cancer.
Il existe une centaine de mutations de ces gènes, dont une dizaine au Québec. «En présence d’une mutation génétique, le facteur de risque de souffrir d’un cancer de l’ovaire s’établira entre 20 et 40 %, c’est-à-dire un risque de un sur cinq de développer la maladie», souligne Diane Provencher, professeure au Département d’obstétrique-gynécologie de la Faculté de médecine et chef du service de gynécologie et oncologie du CHUM.
Il y a deux ans, l’équipe de la Dre Provencher a désigné 192 familles canadiennes-françaises porteuses des mutations sur les gènes en question. Plus de 600 familles québécoises seraient aujourd’hui susceptibles d’afficher cette caractéristique, principalement dans la région de Sorel et du Saguenay–Lac-Saint-Jean. «La souche canadienne-française est plus facile à cibler, car elle apparaît à sept endroits du code génétique.»
Les femmes à risque sont celles qui font partie de familles où trois personnes, dans la même lignée, ont souffert d’un cancer du sein ou de l’ovaire. La généalogie devient alors bien plus qu’un passe-temps innocent!
Un cancer discret et foudroyant
Si les chercheurs privilégient l’analyse génétique, c’est que le dépistage du cancer de l’ovaire s’avère ardu. «Logée profondément dans la cavité abdominale, cette maladie se développe sournoisement. Lorsqu’on la diagnostique, il est généralement trop tard; il ne reste en moyenne que 36 mois de survie à la patiente», résume la Dre Provencher.
L’échographie, qui permet de dépister les tumeurs abdominales, combinée avec une prise de sang révèlent le plus souvent la maladie à un stade avancé. Les métastases affectent alors d’autres organes du bassin. Le traitement chirurgical, associé à la radiothérapie et à la chimiothérapie, n’offre que peu d’espoir de rémission. Moins de 10 % des malades s’en sortiront.
Pas de dépistage, pas de prévention, peu de symptômes. Ce type de cancer s’avère foudroyant et se classe juste derrière le cancer du sein pour la morbidité.
«Le cancer de l’ovaire pose un problème multidisciplinaire», reconnaît la Dre Provencher. Pour avoir une vision globale de la maladie, les divers spécialistes doivent travailler de concert et collaborer avec différents services cliniques, comme la radiologie, la pathologie ou les soins palliatifs.
Dans cette optique, Diane Provencher a constitué un service aux multiples ramifications, qui réunit une soixantaine de personnes et qui permet d’allier le traitement clinique à la recherche. «Avec cette façon de faire, on peut diversifier les angles d’approche et bénéficier autant des résultats des manipulations moléculaires que de l’information sur la situation psychologique des patientes», explique la chercheuse.
Son laboratoire de recherche fondamentale sur le cancer de l’ovaire collabore par ailleurs avec de multiples équipes de recherche nationales et internationales, dont le service de médecine génétique du CHUM du Dr Pavel Hamet.
Dernièrement, le laboratoire a participé à une vaste étude épidémiologique internationale en collaboration avec le Dr Parviz Ghadirian, directeur de l’Unité de recherche en épidémiologie du CHUM. L’étude a mis en lumière la chute radicale des cas de récidives chez les femmes porteuses de mutations des gènes BRCA1 et BRCA2 et soumises à l’hormonothérapie. Les trois quarts n’avaient pas développé d’autres tumeurs malignes quatre ans après!
La Dre Provencher s’est aussi penchée sur le ganglion sentinelle, le premier relais de la maladie. «L’examen nous a révélé que huit pour cent des cas de cancer se trouvaient dans des zones non traitées par les chirurgies. Cette information oncologique expliquerait certaines récidives.»
Questions éthiques
«Nous travaillons à la frontière de ce que nous savons, entre ce qu’on soupçonne et ce qui va arriver demain. Il y a le dépistage, et ensuite? s’interroge Diane Provencher, interpellée par les questions éthiques que soulèvent les travaux de son équipe. Il faut aller plus loin que la chirurgie puisque le diagnostic concerne l’ensemble de la famille, pas seulement un individu. C’est une problématique sociale à gérer.»
De nombreuses questions se posent: la fiabilité des outils informatiques à la base de l’étude de risque, le problème de l’acceptation du résultat par les patientes, la pertinence de l’analyse génétique — sans compter son coût élevé, soit 3800 $ en raison des brevets — ou encore la jurisprudence (attitude des compagnies d’assurances et des employeurs, circulation des dossiers médicaux, etc.).
Comme l’équilibriste qui s’avance sur la corde raide, Diane Provencher s’interroge même sur le bien-fondé de la divulgation de l’information à la patiente. «Est-il pertinent de poser une étiquette sur la personne alors que la prédisposition n’est pas une certitude que l’individu développera la maladie?»
Devant l’ampleur de ces interrogations et de leurs conséquences, l’équipe s’est enrichie d’une éthicienne et d’une psychologue chargée de l’accompagnement des patientes.
Isabelle Burgun
Collaboration spéciale