Depuis la fin des années 80, l'Amérique du Nord, l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud suscitent un intérêt grandissant auprès des chercheurs, notamment dans la foulée de l'Accord de libre-échange nord-américain et de l'établissement de la Zone de libre-échange des Amériques.
Un groupe de professeurs du Département d'histoire a décidé de se pencher sur les peuples et les mouvements migratoires qui ont façonné ces continents. Ils ont créé, en septembre 2001, le Groupe d'étude sur l'histoire des Amériques (GEHA) afin d'observer ce que les diverses sociétés américaines sont devenues sur une longue période.
«La comparaison des sociétés américaines entre elles a été négligée, souligne Ollivier Hubert, professeur au Département et canadianiste. Nous faisions plutôt le parallèle entre la vieille Europe et le nouveau continent. Si les Amériques du capital sont en construction, les Amériques des citoyens sont encore à faire.»
Des sociétés distinctes
Les Espagnols, les Portugais, les Français, les Anglais et les Hollandais qui ont formé les Amériques que l'on connaît aujourd'hui leur ont donné un caractère distinctif. Mais on oublie souvent que les peuples autochtones avaient aussi façonné ces régions. «Lors de la fondation de la ville de Québec, en 1608, Lima et Mexico étaient déjà de grandes villes peuplées de plusieurs dizaines de milliers d'habitants», rappelle Claude Morin, directeur du Département d'histoire et latino-américaniste.
Pour les Européens, la façon de désigner les nouvelles régions était de rappeler la société d'origine. New York a initialement eu pour nom New Amsterdam et le Mexique s'appelait Nouvelle-Espagne.
Puis l'idée de réplique s'est muée en une volonté de se différencier. Le rapport Est-Ouest est devenu la relation Nord-Sud. «L'expression "49e parallèle", poursuit Claude Morin, définit la frontière qui sépare le Canada et les États-Unis. On ne parle pas ainsi de l'Europe. De même, la frontière entre les États-Unis et le Mexique est définie, chez nos voisins du Sud, par la rivière Rio Grande, que les Mexicains appellent río Bravo.»
Selon Ollivier Hubert, les frontières étaient plus arbitraires dans ce contexte. «Les peuples pouvaient profiter d'un grand territoire, car les fleuves servaient de voies de communication et constituaient des sources de commerce.»
Pour Claude Morin, plusieurs autres caractéristiques distinguent le développement des Amériques de celui de l'Europe : l'importante densité démographique des grandes villes américaines, le rapport avec l'espace lié au phénomène d'exode rural, la croissance des inégalités sociales, les rapports sociaux au sein de communautés diverses, l'immigration et le métissage. «Le métissage culturel est venu compléter un métissage biologique dû aux déplacements fréquents des populations», dit-t-il.
Forum de discussion
En plus des professeurs du Département d'histoire, le GEHA est ouvert aux étudiants à la maîtrise et au doctorat. «Le Groupe constitue un forum de discussion, tenu dans un contexte convivial, qui s'adresse aux étudiants spécialistes d'histoire sociale et culturelle des Amériques. Je peux dire qu'au GEHA la barrière professeur-étudiant n'a plus cours», affirme M. Hubert.
D'autant plus qu'étudiants et professeurs se partagent l'organisation des présentations. Claude Morin rapporte que le GEHA a notamment permis aux étudiants d'échanger entre eux des idées sur leurs travaux respectifs. «Le Groupe devient un lieu d'essai pour tester le premier chapitre de leur recherche.»
Les réflexions du GEHA ont également contribué à instaurer un enseignement plus concerté qui a donné naissance au cours L'Amérique du Nord : histoire comparée, offert dès septembre prochain. Les membres du GEHA travaillent par ailleurs à créer un réseau interuniversitaire, voire transnational, ayant comme objet d'étude l'axe Amérique du Sud-États-Unis-Canada et dont le GEHA serait le pivot.
Outre Claude Morin et Ollivier Hubert, le Groupe compte parmi ses membres les professeurs Bruno Ramirez, Michèle Dagenais et Thomas Wien, le chargé de cours Jean-François Bélisle, le stagiaire postdoctoral Daviken Studnicki-Gizbert et l'étudiant au postdoctorat François Furstenberg. Des professeurs d'autres départements et d'autres universités montréalaises apportent aussi leur collaboration ponctuelle.
Activités à venir
Le calendrier des prochaines rencontres du GEHA prévoit, le 19 mars, une conférence de François Furstenberg sur le nationalisme étatsunien dans un contexte américain. Suivra le 9 avril une conférence de Carolyn Fink, de l'Université Concordia, sur la révolution haïtienne, la résistance à l'esclavage et l'indépendance.
Par ailleurs, Bruno Ramirez organise une journée d'étude sur les frontières américaines le 11 avril. Des spécialistes de l'histoire des Amériques traiteront de la portée des limites frontalières depuis l'époque coloniale.
Enfin, le GEHA participera au colloque «De Québec en Amérique: l'Amérique française entre histoire et mémoire», qui aura lieu du 15 au 18 septembre au Musée de la civilisation, à Québec. Le professeur Thomas Wien est le responsable du comité d'organisation de l'activité, tenue sous l'égide de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs.
Marie-Josée Boucher
Collaboration spéciale