Des chercheurs du Centre hospitalier universitaire mère-enfant Sainte-Justine viennent de mettre au jour la cause génétique d'une maladie grave du foie qui affecte les enfants autochtones et peut entraîner la mort. Amorcée il y a plus de 30 ans, cette recherche a mené à la découverte du gène Cirrhin, que les couples «porteurs sains» risquent de transmettre une fois sur quatre à leurs enfants. Moins de la moitié des enfants atteints de la cirrhose amérindienne infantile en 1970 sont encore en vie aujourd'hui.
De la maladie au gène
Au cours des années 70, Andrée Rasquin, gastroentérologue et professeure à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, et ses collègues du service de gastroentérologie pédiatrique ont décelé cette maladie du foie, qui se rencontre uniquement dans certaines communautés autochtones du Québec. Après de nombreuses recherches pour éliminer une cause infectieuse ou toxique, les chercheurs en sont arrivés à la conclusion qu'il devait s'agir d'une maladie héréditaire.
En 1998, un groupe formé des Drs Andrée Rasquin, Éric Drouin, Andrea Richter, chercheuse en génétique moléculaire, et Grant Mitchell, généticien, s'est rendu dans les communautés concernées. Les échantillons de sang permettant l'étude des gènes ont alors été prélevés. Conscients de l'enjeu de cette étude et en dépit de l'éloignement, les enfants malades et les membres de leur famille ont participé de façon remarquable à ces travaux de recherche.
Par la suite, l'équipe a travaillé avec le Dr Thomas J. Hudson, directeur du Centre du génome de Montréal, pour finalement localiser ce gène à 1/6 de 1 % du génome humain. L'étape suivante de la recherche a été réalisée par le Dr Pierre Chagnon, chercheur attaché au laboratoire de la Dre Andrea Richter, qui a découvert dans ce gène, maintenant nommé Cirrhin, un défaut identique chez toutes les personnes atteintes ayant participé à l'étude.
Cette recherche, subventionnée par les Instituts de recherche en santé du Canada, confirme que la cirrhose amérindienne infantile est d'origine génétique. Tous les individus sont porteurs de plusieurs gènes défectueux sans pourtant être malades. Il s'agit de «porteurs sains». Pour qu'une maladie génétique, comme la cirrhose amérindienne infantile, se transmette, il faut que l'enfant reçoive la copie défectueuse du gène de chacun de ses parents.
Pour les couples dont chacun des parents est un porteur sain, le risque d'avoir un enfant atteint de la maladie est de un sur quatre à chaque grossesse. C'est aussi le cas pour d'autres maladies génétiques québécoises plus connues, comme la fibrose kystique, la tyrosinémie, l'acidose lactique du Saguenay et l'ataxie spastique de Charlevoix.
«Dans toutes les régions du Québec, souligne le Dr Mitchell, on trouve des maladies génétiques. Le problème est important pour tous les Québécois. Seule une collaboration étroite entre les communautés concernées et les chercheurs pourra permettre d'élaborer des tests diagnostiques, des programmes de soutien et des traitements efficaces.»
Du gène au dépistage
À partir des recherches effectuées sur la cirrhose amérindienne infantile, un test diagnostique vient d'être mis au point par la Dre Andrea Richter; il est maintenant disponible au laboratoire de diagnostic moléculaire du CHU mère-enfant Sainte-Justine. Ce test permet pour la première fois de distinguer les porteurs sains. Les couples appartenant aux communautés autochtones concernées pourront ainsi connaître leur risque d'avoir un enfant atteint de la maladie et recevoir une information génétique précise. Le test peut être subi en priorité par les femmes enceintes et les enfants susceptibles de souffrir de la maladie.
Parmi les enfants qui ont survécu à l'affection, plusieurs ont subi une transplantation du foie lorsque ce traitement a été offert. «Nous ne possédons pas d'autres traitements, mais la découverte du gène Cirrhin représente une étape cruciale dans ce travail de recherche», concluait récemment la Dre Richter au retour d'une visite dans les communautés touchées par la maladie.