La chose paraît presque trop belle pour être vraie. Les gras oméga 3, qu'on retrouve notamment dans les huiles de poissons gras, semblent être une panacée permettant de prévenir et de combattre un nombre impressionnant de maladies et même de désordres de la personnalité, en plus d'améliorer les performances cognitives. Certains chercheurs n'hésitent pas à considérer des acides gras comme de véritables médicaments.
La famille des oméga 3 est composée de trois acides polyinsaturés, dont les plus connus sont l'acide eicosapentanoïque (EPA) et l'acide docosahexanoïque (DHA). Ce sont des gras essentiels pour l'organisme.
«Ce n'est pas un mythe. Les recherches effectuées depuis 10 ans montrent que les oméga 3 ont un effet bénéfique prononcé sur plusieurs maladies et devraient être utilisés comme adjuvants à certains traitements telle la chimiothérapie», affirme le Dr Émile Lévy, directeur du Centre de recherche de l'hôpital Sainte-Justine et professeur au Département de nutrition de la Faculté de médecine de l'UdeM.
Le chercheur a fait un survol des résultats de ces études au cours d'une conférence-midi tenue à l'hôpital Sainte-Justine le 9 avril dernier. Ayant lui-même participé à plusieurs de ces recherches, le Dr Lévy a acquis une renommée internationale sur le sujet.
Maladies cardiaques
Selon les études présentées, un des modes d'action des oméga 3 est de diminuer de 40 % le temps de présence, dans le sang, des lipides et des triglycérides liés au «mauvais» cholestérol, faible en lipoprotéines (le cholestérol LDL). Cette réduction préviendrait la trop grande absorption de lipides par les macrophages, un phénomène à la base des maladies cardiovasculaires. De plus, les oméga 3 entraîneraient une augmentation du «bon» cholestérol, riche en lipoprotéines (le cholestérol HDL).
En outre, l'EPA accroît la concentration des antioxydants dans la membrane des plaquettes, les protégeant ainsi contre les radicaux libres.
La consommation importante de gras oméga 3 par les Inuits et les Cris expliquerait le faible taux de maladies cardiovasculaires chez ces peuples où, paradoxalement, l'obésité touche près de 50 % de la population. Ces maladies y sont deux fois moins fréquentes que dans le reste de la population québécoise. Chez les Inuits européens, on compte 3 cas d'infarctus contre 40 chez les Danois, pour une population de 1000 habitants.
En plus de leur effet préventif, les oméga 3 auraient un effet curatif : une dose quotidienne d'à peine un gramme abaisse de 30 % le risque de mortalité par maladie cardiovasculaire chez les patients qui ont fait un infarctus.
Remède universel?
Ce ne sont pas là leurs seules vertus. Chez des patients souffrant
d'arythmie cardiaque, on a diminué ce trouble de 52% lorsqu'un traitement à base d'oméga
9 (gras contenus notamment dans l'huile d'olive) a été remplacé par
un traitement à base d'oméga 3.
Ces derniers gras bloqueraient également la croissance des tumeurs cancéreuses, notamment dans les cas de cancer du côlon, en rétablissant le processus apoptotique (ou d'autodestruction) des cellules.
Dix grammes d'oméga 3 par jour réduiraient de 59 % les rechutes chez les patients atteints de la maladie de Crohn. D'autres études démontrent les bienfaits de ces gras dans la lutte contre l'arthrite rhumatoïde, l'hyperactivité, les migraines et les désordres de la personnalité.
Quant aux femmes enceintes risquant un accouchement prématuré, 1,3 gramme d'oméga 3 tous les jours prolonge la grossesse de quatre à cinq jours. La gamme des effets salutaires semble tellement large qu'une personne de l'assistance a demandé au Dr Lévy ce que les oméga 3 ne faisaient pas!
Toxicité
Comme on trouve les oméga 3 surtout dans les poissons gras comme le saumon, le maquereau, le hareng et la truite, certains craignent qu'une hausse de la consommation de ces poissons - pour une moyenne de deux repas par semaine - comporte des risques à cause de leur forte teneur en mercure.
«Le mercure est cancérigène et réduit les bienfaits des oméga 3, reconnaît le Dr Lévy. Mais certaines gélules en vente libre sont exemptes de mercure et de cholestérol.» Et si les Inuits ne présentent pas plus de cas de cancer que le reste de la population, c'est probablement parce que les poissons des mers du nord sont moins contaminés par le mercure que ceux du marché, avance le chercheur.
Par ailleurs, les saumons d'élevage seraient moins riches en oméga 3 que les saumons sauvages parce qu'ils ne sont pas nourris au phytoplancton. On peut également trouver de grandes concentrations d'oméga 3 dans l'huile de lin, l'huile de canola, les noix et les légumineuses.
Dans l'alimentation des Canadiens, l'apport en acides gras polyinsaturés de type oméga 6 (amandes, huiles de tournesol, d'arachide et de maïs) est 15 fois plus grand que l'apport issu de sources riches en oméga 3. Le Dr Lévy considère qu'il faudrait réduire cet écart, mais il est nécessaire de poursuivre les recherches pour arriver à fixer un rapport plus équilibré. Certains chercheurs suggèrent que l'apport en oméga 3 devrait compter pour le sixième de nos besoins en gras polyinsaturés.
Daniel Baril