Édition du 26 mai 2003 / volume 37, numéro 23
 
  Vient de paraître
Profession: bonimenteur - Pour mieux définir la santé au travail - Le modèle ludique

Profession: bonimenteur
Germain Lacasse remporte le prix Raymond-Klibansky pour la publication de sa thèse.
 

Le prix Raymond-Klibansky, attribué au dernier livre de Germain Lacasse, constitue pour l’auteur le point de départ d’une véritable carrière universitaire, même si celui-ci mène des recherches depuis plus de 10 ans sur la naissance du cinéma.

Entre l’invention du cinéma, en 1895, et le premier film parlant, The Jazz Singer, en 1927, les documents historiques montrent presque toujours un pianiste qui improvise à l’ombre du grand écran. Il n’était pas seul. Son importance est même un peu diminuée depuis que l’on connaît mieux les débuts du septième art. Le bonimenteur de vues animées, aussi appelé benshi au Japon, explicador en Espagne ou kinoerzähler en Allemagne, avait pour fonction d’adapter pour le public de sa région des films produits dans un pays étranger.

«Son travail consistait à donner aux films une couleur locale, à les “nationaliser” si j’ose dire. C’était bien plus qu’un narrateur», explique Germain Lacasse, qui vient de recevoir le prix Raymond-Klibansky pour l’ouvrage qu’il a tiré de sa thèse: Le bonimenteur de vues animées, paru chez Nota bene et coédité avec Méridiens et Kincksieck.

Chargé de cours au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques, Germain Lacasse a consacré plus de 10 ans de sa vie à l’étude de ces bonimenteurs qui couraient les fêtes foraines et les parcs d’attractions avec leur cinématographe. Auteur d’une maîtrise sur le phénomène au Québec, il a approfondi son sujet et étendu son champ d’analyse à l’ensemble de la planète. Le livre, qui porte sur une quinzaine de pays, est le premier à traiter de cette question de façon si large.

Sur le plan théorique, les travaux de Germain Lacasse ouvrent des voies intéressantes en ce qui concerne l’appropriation locale de produits culturels de masse. «Vers 1910, le cinéma connaît déjà un langage qui se suffit à lui-même. Même si le parlant n’est pas encore inventé, le cinéma a ses sous-titres, ses scénarios intelligibles, ses mises en scène. On voit disparaître rapidement le bonimenteur dans les pays producteurs de films: France, Angleterre, Allemagne, États-Unis, Italie. Partout ailleurs, le bonimenteur subsistera. Au Japon, on en trouvera jusque dans les années 80.»

Au Québec, où Alexandre Sylvio invite le public au Théâtre canadien-français (rebaptisé le Théâtre du peuple dans la publicité), le boniment devient une «pratique de résistance» qui permet de se moquer de l’impérialisme et de la colonisation. Les bonimenteurs ne se gênent pas pour envoyer des flèches à l’endroit des «Anglais de Toronto».

En septembre 1930, le bonimenteur Alex Saint-Charles, alias Balloune, chante au théâtre Arlequin de Québec une chanson sur le chômage qui se termine ainsi: «La morale de cette chanson/C’est qu’aux prochaines élections/S’il y a du chômage/Nous serons là pour les déplanter/Tous ceux qui nous auront laissé/Dans l’esclavage.»

 
Bonimenteurs modernes

Les bonimenteurs ne sont pas encore totalement disparus. Certains incarnent de nos jours une forme hybride de présentation en direct et de projection de film. «En présentant de vive voix des séquences tournées ailleurs, la série des Grands Explorateurs met en vedette des bonimenteurs contemporains. Mais dans certains pays en développement, en Afrique notamment, on a rapporté jusqu’aux années 90 des présentations très semblables à celles des bonimenteurs d’autrefois.»

Heureux d’avoir reçu le prix Raymond-Klibansky, Germain Lacasse rend hommage à André Gaudreault, «infatigable pourvoyeur d’information et d’énergie», qui a dirigé sa thèse avec Silvestra Marinello. La thèse a été déposée au Département d’histoire de l’art et au Département de littérature comparée de la Faculté des arts et des sciences.

Mathieu-Robert Sauvé

Pour mieux définir la santé au travail
La santé du personnel est primordiale pour le succès de l’entreprise.

Santé psychologique au travail et performance organisationnelle sont-elles compatibles? On en doute quand on apprend qu’au cours des 10 dernières années les indemnités payées par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) pour cause de burnout, dépression, anxiété et autres atteintes à la santé mentale ont augmenté de 500 %. On ne compte plus les ouvrages et les articles de journaux et de revues parus récemment sur la santé et le stress au travail.

C’est dans cette foulée que paraît aux Éditions nouvelles, sous la direction d’André Savoie et Luc Brunet, professeurs en psychologie du travail à l’Université de Montréal, et de Roland Foucher, professeur à l’UQAM, un ouvrage de 350 pages intitulé Concilier performance organisationnelle et santé psychologique au travail. La trentaine d’universitaires qui y signent des articles, dont plusieurs sont de l’UdeM ou de HEC Montréal, ne semblent pas douter que cette conciliation soit possible. L’ouvrage présente des recensions d’écrits, des résultats de recherche, des études de cas et des essais visant une meilleure compréhension de la santé au travail et des mesures à prendre pour la préserver.

Déterminants de la santé

Mais qu’est-ce que la santé au travail justement? C’est à cette question qu’a tenté de répondre Marie Achille, professeure au Département de psychologie de l’UdeM. Dans un premier chapitre, Mme Achille établit les bases conceptuelles d’un modèle de la santé au travail qu’elle élabore dans un second chapitre.

La chercheuse note que, depuis la Seconde Guerre mondiale, on s’est surtout penché sur la productivité et les moyens de faire face au changement dans les organisations. Sans avoir été complètement ignorée, la santé en milieu de travail «a longtemps semblé représenter une préoccupation secondaire dans un monde où la productivité, le succès économique et la viabilité de l’entreprise ont eu préséance».

Et pourquoi s’y intéresse-t-on maintenant? Peut-être parce qu’on «réalise enfin l’importance primordiale de la santé pour la survie et le succès de l’entreprise» étant donné le coût parfois prohibitif pour cette dernière de la maladie et des accidents dus au travail. Mme Achille rappelle en outre que, dans un rapport paru en avril 2002, le National Institute of Occupational Safety and Health des États-Unis insistait sur la nécessité d’étudier l’impact sur la santé au travail de l’introduction de changements récents comme Internet, le cellulaire, le télétravail, le travail autonome et les nouvelles structures organisationnelles.

Dans ce premier chapitre, Marie Achille fait un survol de l’histoire du concept de santé au travail, décrit les grandes lignes de la recherche sur le stress organisationnel, relève les indicateurs de la santé mentionnés par plusieurs auteurs et effectue une recension des principaux modèles connus en matière de santé au travail. Ceci lui permet de constater qu’il n’y a pas de définition de la santé au travail qui fasse consensus.

Dans un second chapitre, la psychologue présente un modèle théorique des indicateurs de la santé au travail, qui comprennent huit dimensions en lien aussi bien avec la santé physique qu’avec la santé mentale. «Plus nous serons systématiques, plus nous avons de chances de détecter les atteintes à la santé au travail parce que certains problèmes d’ordre mental se traduisent par des manifestations physiologiques chez certaines personnes, a-t-elle expliqué à Forum. En ne tenant compte que des risques pour la santé mentale, nous pourrions passer à côté de l’essentiel chez des hommes et des femmes qui intériorisent beaucoup le stress. Au lieu de faire une dépression, ces travailleurs développent des ulcères ou des douleurs chroniques par exemple.»

Pour Marie Achille, toutes les dimensions sont importantes parce que chaque personne est différente. «Si quelqu’un tire beaucoup de satisfaction des relations interpersonnelles, il sera très affecté par un déséquilibre de la dimension sociale. En revanche, un solitaire, pour qui cette dimension est plus accessoire, sera beaucoup moins touché. L’arrimage entre le tempérament ainsi que les besoins de chacun et ce qu’offre le travail est important.» C’est pourquoi le modèle doit être en mesure de tenir compte de cette diversité.

En présentant ce modèle, Mme Achille espère susciter la réflexion et la critique sur les paramètres retenus avant d’en tirer un questionnaire qui permettra d’évaluer l’état de santé physique et mentale des travailleurs.

Françoise Lachance

Roland Foucher, André Savoie et Luc Brunet (dir.), Concilier performance organisationnelle et santé psychologique au travail, Montréal, Éditions nouvelles, 350 p.


Le modèle ludique

Le jeu, l’enfant ayant une déficience physique et l’ergothérapie

Comment l’ergothérapie peut-elle mettre le jeu au service de l’enfant qui présente une déficience physique pour l’aider à développer son autonomie et ses capacités d’adaptation?

L’auteure répond à cette question en proposant le modèle ludique, cadre conceptuel innovateur sous-tendant un modèle de pratique qui permet d’aborder cet enfant dans toute sa globalité. C’est grâce au jeu en effet que l’enfant explore le monde, qu’il met en œuvre sa curiosité, sa créativité, qu’il entre en contact avec les autres. En faisant découvrir à l’enfant ayant une déficience physique le plaisir d’agir dans un contexte ludique, on l’incite à déployer au maximum sa capacité d’agir, malgré les entraves, et à réagir en cas d’échec en trouvant lui-même les moyens de contourner les difficultés. Ce faisant, on l’accompagne dans le développement de son autonomie.

Dans le modèle ludique, l’enfant, reconnu avant tout comme tel, intervient dans le processus de décision, participe à sa thérapie et éprouve ainsi, pour la première fois peut-être, le sentiment d’avoir une certaine emprise sur sa vie. Cette conception, qui s’appuie sur une vision holistique de l’être humain, débouche sur une pratique centrée sur les besoins de l’enfant et de sa famille. Il s’agit en somme de permettre aux uns et aux autres de découvrir le plaisir de vivre, le plaisir d’être de même que le plaisir de faire.

En annexe, l’ouvrage fournit des précisions concernant la méthodologie de la recherche menée par Francine Ferland et offre aux professionnels les outils nécessaires à l’application de la méthode. Cette troisième édition revue et augmentée présente également les recherches inspirées, depuis 1994, par cette pratique thérapeutique et laisse entrevoir comment d’autres clientèles pourraient en bénéficier.

L’auteure est professeure titulaire à l’École de réadaptation de l’UdeM.

Francine Ferland, Le modèle ludique: le jeu, l’enfant ayant une déficience physique et l’ergothérapie, Les Presses de l’Université de Montréal, 2003, 216 p., 29,95 $.


 
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