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André Roy s’intéresse à la dynamique des rivières et des fleuves. |
Le géographe André Roy a toujours aimé jouer dans l’eau. Enfant, il ne savait résister à l’attrait qu’exerçait sur lui la rivière Nicolet, à Victoriaville. À Joliette, où il a vécu aussi, c’était la rivière L’Assomption, qui ceinturait la ville. Depuis qu’il est professeur au Département de géographie, les rivières font plus que jamais partie de sa vie, mais à un autre échelon. «Je m’intéresse à la dynamique des cours d’eau à toutes les échelles. Cela veut dire que j’essaie de comprendre la rivière, du grain de sable transporté par un ruisseau jusqu’à l’écoulement des eaux dans l’ensemble du Saint-Laurent.»
L’une des études de son équipe consiste justement à observer le mouvement des sédiments dans un ruisseau en amont de la rivière Nicolet. Pour y parvenir, les chercheurs inséreront des émetteurs dans plus de 300 cailloux et les observeront dériver de quelques mètres par année. «Cette méthode nous permettra de suivre l’évolution de la sédimentation sur une longue période, explique-t-il. Les émetteurs ont une durée de vie de plus de 30 ans.»
Depuis quelques semaines, André Roy est titulaire de la nouvelle chaire du Canada en dynamique fluviale. Cette attribution lui assure un financement de un million de dollars sur cinq ans, auquel s’ajoutent 400 000 $ de la Fondation canadienne pour l’innovation pour l’achat d’équipement.
Le projet qu’il a entrepris cet été avec ses étudiants du Laboratoire de géomorphologie fluviale constitue un bon exemple des travaux qu’il peut aujourd’hui mener. «L’effet direct de cette chaire, c’est de nous permettre de réaliser des projets à long terme et de consolider notre équipe, dit-il. Cela n’est pas toujours possible lorsqu’il faut renouveler les demandes de subvention chaque année.»
La géographie joue dans l’eau
André Roy est un des rares géographes à s’intéresser à la dynamique des rivières et des fleuves. En raison de leur intérêt pour l’hydroélectricité, les ingénieurs sont nombreux à avoir repoussé les frontières de la connaissance dans ce domaine, mais étrangement les géographes ne se bousculent pas au portillon. «Pourtant, les besoins sont immenses. Nous connaissons assez mal nos rivières, somme toute.»
L’arrivée récente du mouvement de citoyens regroupés sous la devise Adoptez une rivière, la création de Réserves aquatiques et les dispositions de la Politique de l’eau du ministère de l’Environnement du Québec au sujet des comités de bassins versants, notamment, représentent toutefois de bonnes nouvelles à ses yeux. «Les gens commencent à démontrer leur attachement aux rivières. C’est bon signe», dit-il.
Sur le site de son laboratoire ( http://www.geog.umontreal.ca/hydro ), on présente un extrait vidéo d’un travail sur le terrain mené par l’équipe. Il s’agit d’une séquence sous-marine de l’écoulement de la rivière Eaton Nord, en Estrie. Pour bien comprendre le mouvement des eaux, un jet de lait en poudre sort d’un boyau enfoui dans le lit de la rivière. Instantanément dissous, le nuage laiteux emprunte les courants dominants et exécute une danse étonnamment rythmée à travers laquelle on aperçoit des poissons nager. Mais ce ne sont pas les poissons qui intéressent les chercheurs. «Nous essayons de comprendre les séquences du courant. Autrefois, on pensait que le mouvement des eaux était chaotique. Nous savons aujourd’hui qu’il suit au contraire une certaine séquence. C’est ce que nos modèles démontrent.»
Les méandres d’une rivière répondent eux aussi à des schémas réguliers. Par exemple, sur la rivière Nicolet, les seuils sont disposés approximativement à tous les segments, totalisant sept fois la largeur de la rivière. De plus, les mouilles (là où l’eau est plus profonde et où les poissons ont tendance à se réfugier par temps chaud) sont disposées à peu près toutes au même endroit, soit dans les coudes des méandres.
D’autres recherches dans le Laboratoire se penchent sur l’écoulement des eaux sous la surface de glace, l’hiver, et sur les coûts énergétiques de la nage des jeunes saumons atlantiques dans des conditions turbulentes.
Un chercheur actif
Après avoir obtenu une maîtrise en géographie à l’Université de Montréal, André Roy a étudié à l’Université de l’État de New York. Sa thèse, déposée en 1982, portait sur l’application du principe d’optimalité à la géométrie hydraulique et angulaire des réseaux d’artères, de branches et de cours d’eau. En septembre 1981, il était de retour à l’Université de Montréal, où il entreprenait des études postdoctorales sur les angles de confluence dans les réseaux hydrographiques. Nommé professeur adjoint en 1982, il donne des cours de cartographie (introduction et thématique) et des cours de morphométrie et de géographie physique quantitative. Il enseigne aussi la géomorphologie fluviale aux cycles supérieurs.
Depuis 1993, il dirige la revue Géographie physique et Quaternaire. Il est vice-président du Groupe canadien de recherche en géomorphologie et membre du comité Sciences de la terre-environnement de subventions au CRSNG. André Roy a également été directeur du Département de géographie pendant six ans. Il continue de donner ses cours au Département et de diriger plusieurs étudiants aux cycles supérieurs.
Mathieu-Robert Sauvé