Édition du 2 septembre 2003 / volume 38, numéro 2
 
  Capsule science
Pourquoi bâille-t-on ?

Nul ne connaît le mécanisme neurologique à l’origine du bâillement. «Cela fait partie des mystères de la vie», affirme Roger Godbout, professeur au Département de psychiatrie et chercheur au Centre d’étude du sommeil et des rythmes biologiques de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. «L’une des seules certitudes que nous ayons est que le bâillement existe chez la majorité des vertébrés, des mammifères aux reptiles. On a même observé des fœtus qui bâillaient!»

Le bâillement est un comportement physiologique décrit dès l’Antiquité par Hippocrate, qui pensait que l’étirement de la mâchoire permettait de chasser le mauvais air (gaz carbonique) des poumons.

Aujourd’hui, deux théories sont en vogue. La première veut que bâiller serve à alimenter le cerveau en oxygène. Des expériences menées en laboratoire ont toutefois infirmé cette théorie. «On a fait respirer de l’oxygène à des participants et… ils ont continué à bâiller!», rapporte Roger Godbout. La seconde, la plus populaire, soutient que ce réflexe involontaire qui survient surtout en période de fatigue ou d’ennui est associé à notre état de vigilance. «Bâiller servirait en quelque sorte de mécanisme pour stimuler l’attention», explique le psychiatre.

Mais alors qu’habituellement une activation de notre vigilance s’accompagne d’une exacerbation de sentiments anxieux ou d’excitation, le bâillement procure un état de détente transitoire et réconfortant. Ce qui laisse croire que bâiller permettrait aussi de lutter contre le stress. «Plusieurs scientifiques ont d’ailleurs démontré que des voies dopaminergiques et cholinergiques interviennent dans les mécanismes déclencheurs du bâillement», soutient M. Godbout. Le chercheur n’exclut pas le bien-fondé des autres hypothèses sur l’origine du bâillement : rôle social, fatigue, ennui. «Elles ne sont peut-être que tout bonnement secondaires», affirme-t-il.

Chez la plupart des mammifères, le bâillement suit le cycle du sommeil. «On bâille surtout au coucher et au réveil, c’est comme un signal.» Avec les primates entrent en jeu les premiers facteurs sociaux. «Ils bâillent souvent après une activité qui augmente leur vigilance, comme une bagarre ou une copulation.» Qu’en est-il de sa contagion? «Une autre énigme», admet le professeur Godbout, qui précise toutefois que ce curieux phénomène d’imitation est propre à l’humain.

Dominique Nancy



 
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