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Thierry Karsenti |
Sophie Goyer |
Selon le ministère de l’Éducation, 100 % des écoles du Québec sont branchées sur le Net. Mais selon le professeur Thierry Karsenti, du Département de psychopédagogie et d’andragogie, cela ne veut pas dire que les écoles savent s’en servir à des fins pédagogiques.
«Pour plusieurs enfants, l’école est le seul lieu d’accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC), mais elles y sont peu exploitées», a-t-il affirmé au colloque Questions d’équité en éducation et formation, tenu les 21 et 22 août dernier. Le professeur, qui est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies de l’information et des communications, a passé en revue les principales données actuelles sur l’utilisation des TIC par les jeunes du primaire et du secondaire.
Dans l’ensemble du Canada, 75 % des jeunes naviguent dans Internet et la fréquence moyenne d’utilisation est l’une des plus élevées du monde, soit 23 heures par mois. Cinquante pour cent des jeunes ont un accès Internet à la maison. Le Québec, qui a déjà traîné la patte, a maintenant remonté la pente grâce au programme gouvernemental Brancher les familles du gouvernement : selon un sondage Léger Marketing, 94 % des jeunes de 14 et 15 ans avaient navigué sur le Net la semaine précédant le sondage et 92 % disent l’avoir fait afin de rechercher de l’information pour des travaux scolaires.
Même s’il met en doute cette dernière donnée — les répondants ont possiblement cherché à embellir la réalité —, le professeur Karsenti n’en estime pas moins que les TIC sont devenues un moyen privilégié d’information et que l’accès à ces technologies maximise les chances de réussite scolaire. «Les 6 % de jeunes qui ne se servent pas d’Internet proviennent de milieux sociaux défavorisés, souligne-t-il. Il se crée donc un fossé entre technoriches et technopauvres.»
Les TIC auraient donc le double effet de favoriser l’apprentissage et d’accentuer les écarts existants. Pour le professeur, une bonne utilisation scolaire de ces technologies pourrait par ailleurs faciliter l’intégration sociale des jeunes de milieux défavorisés.
Effet bénéfique sur l’apprentissage
Avec une étudiante au doctorat, Sophie Goyer, le titulaire de la chaire de recherche effectue présentement des travaux sur l’emploi des TIC à l’école et son effet sur l’apprentissage. Ces travaux d’observation sont menés dans 35 classes du primaire en milieu défavorisé.
«Les données préliminaires indiquent que, plus le milieu est pauvre, moins on utilise les TIC à la maison et moins on s’en sert à des fins pédagogiques, indique Sophie Goyer. Ce sont surtout les garçons qui utilisent l’ordinateur en dehors des heures de classe, mais c’est principalement pour jouer.»
En contexte pédagogique, la chercheuse a toutefois observé que le recours aux TIC favorise la collaboration, la concentration et l’estime de soi. «Les élèves partagent les tâches, échangent des idées et n’hésitent pas à poser des questions, indique-t-elle. Ils ne se sentent pas incompétents et certains, surtout les garçons, en connaissent parfois plus que l’enseignant. Ils deviennent les experts de la classe sans que cela pose de problèmes à l’enseignant.»
Le temps d’utilisation limité oblige les élèves à ne pas perdre de temps, ce qui stimule la concentration et le travail sur de longues périodes. Pour susciter l’intérêt, l’activité doit cependant avoir un but.
Selon l’étudiante, les projets les plus motivants ne sont pas nécessairement ceux des écoles les plus favorisées. Tout serait une question d’encadrement. À titre d’exemple, elle mentionne le projet d’une école en milieu défavorisé où les élèves devaient se servir d’un caméscope pour réaliser un montage vidéo à l’ordinateur. Des usages judicieux peuvent donc permettre de combler le fossé entre technopauvres et technoriches plutôt que de le creuser.
Elle est également d’avis que le recours aux TIC pourrait constituer un moyen de rehausser le taux de réussite scolaire des garçons, qui affichent un intérêt envers ces technologies.
Daniel Baril