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Pour Sydney Ribaux, le «cocktail-transport» est un mode de vie quotidien . |
Environ 38 % des étudiants de l’Université de Montréal et de l’Université Laval possèdent une auto. Tous ces futurs diplômés n’utilisent pas leur voiture pour se rendre à leurs cours, mais près de 40 % considèrent «l’automobile comme un moyen de transport idéal pour se déplacer».
C’est ce que révèle un récent sondage mené par Équiterre, un organisme à but non lucratif qui prône le transport écologique. Les résultats de cette enquête réalisée auprès de 444 étudiants de première et deuxième année témoignent de la forte tendance à la motorisation des transports. «C’est un constat troublant quand on sait que l’automobile engendre des problèmes de santé publique importants en milieu urbain», affirme le coordonnateur général d’Équiterre, Sydney Ribaux, qui lançait le 5 septembre dernier sur le campus une campagne intensive de promotion des modes de transport alternatifs.
Le projet du groupe Équiterre vise à sensibiliser les étudiants et les jeunes travailleurs des villes aux avantages économiques et écologiques de ce qu’il appelle le «cocktail-transport». Il s’agit d’une approche basée sur l’usage d’une combinaison de plusieurs moyens de transport tels la marche, le vélo, le train, le métro, l’autobus et la location de voiture.
«Ce concept se présente comme une solution de rechange à l’accroissement de l’utilisation individuelle et quasi exclusive de l’automobile privée, particulièrement pour les déplacements vers les villes et dans leur centre », souligne M. Ribaux.
Jamais sans mon char
Mais est-ce vraiment possible de vivre sans voiture? « C’est non seulement possible, mais bien plus économique et efficace», estime Anny Létourneau, coordonnatrice des programmes Transport écologique et Efficacité énergétique à Équiterre. Pour l’ancienne éditrice de la revue Dire, publication des étudiants aux cycles supérieurs de l’Université, le «cocktail-transport» a un effet libérateur. «Plus besoin de déplacer l’auto d’un côté de rue à l’autre, finis les embouteillages, les contraventions et les problèmes de stationnement… Mais surtout, j’ai le choix d’utiliser le mode de transport le mieux adapté à mes besoins. En autobus ou en métro, les trajets sont parfois un peu plus longs, mais on a du temps pour faire autre chose que de tenir un volant.»
Pour Anny Létourneau, l’auto, c’est «le moins possible». Elle est une exception. Pour la majorité, la vie sans voiture ne paraît même pas envisageable. D’ailleurs, selon le sondage d’Équiterre, 42% des étudiants prévoient en acheter une dès la fin de leurs études. Un espoir se dessine toutefois à l’horizon. La moitié des étudiants propriétaires d’une auto sont ouverts à l’idée de changer leurs habitudes de transport.
Au-delà du smog
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Au cours des 10 dernières années, le nombre de déplacements par automobile a augmenté de 3 % annuellement. |
Ce n’est pas un hasard si Équiterre a choisit l’UdeM pour le lancement de sa campagne. En effet, 50 % des utilisateurs du transport en commun sont des étudiants, de futurs automobilistes. Et comme l’a souligné Guy Berthiaume, vice-recteur aux affaires publiques et au développement, l’Université a démontré par des gestes concrets qu’elle était en faveur du développement durable.
Dès 1990, consciente des conséquences néfastes sur l’environnement et la santé que l’engouement pour l’automobile entraîne, l’établissement s’est doté d’un service de covoiturage qui répond à des demandes téléphoniques de jumelage durant toute l’année universitaire. À ce jour, le service compte près de 700 membres qui proviennent de la banlieue et de différentes régions du Québec.
Par ailleurs, les divers chantiers sur le campus ont mené à la perte de plus de 800 places de stationnement, qui ne seront pas réaménagées dans un parc sous-terrain comme l’avait envisagé l’Université. « L’administration a opté pour des solutions telles la création d’un babillard électronique de covoiturage, l’augmentation de bornes de taxis et de guichets de renseignements de la Société des transports de Montréal», a fait valoir M. Berthiaume.
C’est que l’utilisation de la voiture, avec sa production de 37 % du total des émissions de gaz à effet de serre, a une grande part de responsabilité dans la formation de l’ozone de surface (principal constituant du smog) et des pluies acides ainsi que dans l’observation des changements climatiques. Les problèmes de santé qu’elle engendre, notamment la sédentarité et les maladies respiratoires causées par la pollution de l’air, sont également de plus en plus sérieux.
Et pourtant, l’engouement des Québécois pour l’automobile ne se dément pas. «Si l’on arrivait à faire baisser la circulation, ça voudrait dire non seulement qu’il y a un progrès sur le plan de la santé publique, mais aussi qu’il se produit un changement culturel profond», conclut Anny Létourneau.
Dominique Nancy