Selon l’anesthésiologiste Gilbert Blaise, le sildénafil citrate, mieux connu sous le nom de Viagra, pourrait être utile dans le traitement de la douleur. Non pas en vertu de ses effets reconnus sur la capacité érectile mais en raison de sa forte teneur en monoxyde d’azote (NO). «De plus en plus d’études confirment que le monoxyde d’azote potentialise les effets de la morphine», a-t-il affirmé au cours d’une conférence à l’hôpital Notre-Dame du CHUM le 26 septembre. Celle-ci se déroulait à l’occasion des Journées de la douleur, qui ont réuni durant deux jours une centaine de spécialistes à Montréal.
Pourrait-on envisager de présenter à des patients en soins palliatifs une «bithérapie» composée d’une dose de Viagra et d’une dose de morphine. «Pourquoi pas?» a-t-il répondu.
Selon le Dr Blaise, les essais cliniques de cette étonnante association sont encore à venir, mais des résultats prometteurs ont été obtenus avec des animaux de laboratoire. «On a induit des douleurs à la patte chez le rat et le nombre de mouvements, qui témoigne de son inconfort, a diminué lorsque la morphine a été associée au sildénafil citrate», a expliqué le spécialiste.
Le professeur de la Faculté de médecine a précisé à Forum que lui-même tirait parti dans sa pratique des bienfaits du NO. «Sur un genou douloureux, par exemple, j’applique une pommade à base de monoxyde d’azote, qui diminue de beaucoup la souffrance de mes patients.»
Le Viagra n’est pas le seul produit pharmaceutique à contenir du monoxyde d’azote. On en trouve aussi dans des inhalateurs et des timbres de nitroglycérine.
Une molécule vedette
Étudié depuis moins de 20 ans, le monoxyde d’azote est produit par la plupart des cellules de l’organisme. C’est un «radical libre» qui, au cours de sa vie de quelques secondes, a un grand impact sur différents processus physiologiques. Le monoxyde d’azote régule la pression artérielle et aurait une action déterminante dans la vasodilatation. C’est d’ailleurs à ce chapitre que le Viagra connaît tant de succès.
Le NO fait l’objet d’un véritable engouement d’un bout à l’autre de la planète dans les laboratoires biomédicaux. Il aurait un rôle à jouer dans des maladies comme l’arthrite, l’asthme, le diabète, l’hypertension, le cancer, les accidents vasculaires cérébraux et la tuberculose. Dans sa présentation, le Dr Blaise a aussi évoqué les effets de ce gaz sur les céphalées. «Nous savons que les deux sont liés, mais nous ignorons encore de quelle façon précisément.»
À la suite de la conférence du professeur Blaise, le Dr Pierre Beaulieu, professeur au Département d’anesthésiologie, a présenté les résultats d’une recherche sur le monoxyde d’azote et la douleur inflammatoire menée sur des rats. «En conclusion de cette étude, on peut dire qu’il existerait une tendance vers la diminution des comportements douloureux lors de l’administration de NO par inhalation.» Mais cette baisse est modeste et a été observée surtout au cours de la phase tardive du test.
Le professeur Beaulieu en appelle à de plus amples études pour ouvrir la porte à une utilisation clinique du NO dans le traitement de la douleur.
Mathieu-Robert Sauvé