Après avoir confondu bien des sceptiques, le logiciel de traduction Transtype, mis au point au Laboratoire de recherche appliquée en linguistique informatique (RALI) du Département d’informatique et de recherche opérationnelle, passe la vitesse supérieure et devient une affaire internationale. Transtype 2 sera donc bientôt utilisé non seulement par les traducteurs pour passer de l’anglais au français et inversement, mais aussi par ceux qui travaillent avec l’espagnol ou l’allemand.
«Notre premier logiciel a montré que la traduction assistée par ordinateur était possible; la seconde phase permet d’associer des partenaires européens à notre aventure et d’étendre les possibilités de l’appareil», a dit le professeur Guy Lapalme à l’occasion du lancement de Transtype 2, le 29 septembre dernier, peu avant la première réunion des partenaires en sol canadien.
C’est grâce à un financement du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et à la participation financière d’un consortium européen que ce nouveau départ est possible. Au Canada, ce sont 750 000 $ qui seront investis en trois ans dans ce projet, permettant la création d’une vingtaine d’emplois, alors que les partenaires européens, universitaires et industriels, y injecteront quelque 2,6 M$. Au total, l’équipe canado-européenne recevra 3,4 M$.
Des suggestions plus complexes
Comme l’a expliqué Elliott Macklovitch, directeur du RALI, ce logiciel de deuxième génération a un avantage marqué sur son prédécesseur: il suggère à l’utilisateur non seulement un mot mais un groupe de mots (jusqu’à cinq). «Tous les professionnels vous diront que, dans leur travail, il y a toujours plusieurs traductions possibles. Ce logiciel s’adapte constamment à cette réalité», a-t-il commenté.
Le professeur Macklovitch a donné un exemple de traduction complexe, démonstration à l’appui. Le texte à traduire apparaît dans la partie supérieure de l’écran; le traducteur tape son texte dans le bas. Le logiciel fait des propositions de mots, selon la probabilité la plus vraisemblable. Si l’usager accepte la proposition, il appuie sur la touche Retour. Puis il continue son travail. «La machine doit s’adapter à l’usager et non l’inverse», a précisé M. Lapalme.
Dans le cas des traducteurs, il fallait trouver un logiciel capable de laisser une grande liberté d’action à la personne installée au clavier, tout en lui permettant de gagner du temps. En observant des professionnels à l’œuvre, l’équipe du RALI a calculé que le logiciel Transtype permettait de diminuer de 60 à 70 % leur nombre de frappes.
Micheline Cloutier, porte-parole de la société Gamma, d’Ottawa, qui compte 75 traducteurs professionnels, a confié à Forum qu’un tel outil n’existe pas actuellement sur le marché et que l’entreprise a le devoir de soutenir la recherche universitaire dans le domaine. Mais elle avoue du même souffle que les traducteurs ne sont pas tous convaincus de l’utilité de l’informatique dans une discipline aussi complexe que la traduction. «Je dirais qu’un traducteur sur deux est réfractaire aux logiciels de traduction. Nous ne forcerons personne à les utiliser. Mais nous croyons qu’ils peuvent nous être fort utiles à condition de continuer à les perfectionner.»
Pour l’instant, Transtype 2 est destiné aux traducteurs professionnels, mais ses concepteurs sont confiants de le voir devenir un outil d’usage courant dans le grand public. Cela permettrait à des personnes dont l’anglais n’est pas la langue maternelle, par exemple, de traduire elles-mêmes leurs textes de façon acceptable.
Mathieu-Robert Sauvé