L’annonce de la construction d’un pavillon de 6000 m2, qui viendra se greffer à la Bibliothèque des lettres et des sciences humaines (BLSH), symbolise parfaitement la volonté de l’Université de relancer le secteur des lettres et des sciences humaines.
Mais la relance de ce secteur va bien au-delà de l’agrandissement de la BLSH. En fait, et conformément aux recommandations d’un rapport rendu public il y a un an, les objectifs poursuivis sont nombreux et de divers ordres, comme l’indiquait récemment à Forum le vice-recteur à la planification et aux relations internationales, François Duchesneau.
Bien que ce domaine soit hautement performant en recherche, souligne le vice-recteur, il ne reçoit pas les fonds auxquels il pourrait s’attendre. «Il faut aller chercher des subventions de recherche plus importantes, donc construire des masses critiques et favoriser des regroupements d’individualités autour de secteurs porteurs.» Pour illustrer son propos, M. Duchesneau cite le champ de l’éthique, qui se déploie déjà dans plusieurs disciplines.
En d’autres termes, le caractère très individualiste de la recherche en sciences humaines ne correspond généralement pas au modèle encouragé par les organismes subventionnaires, qui privilégient les équipes pluridisciplinaires et les «regroupements stratégiques».
D’ailleurs, au sein même de l’Université, le rayonnement de la recherche en lettres et en sciences humaines n’est pas ce qu’il devrait être, rappelait le recteur dans son allocution annuelle le 29 septembre dernier. Robert Lacroix soulignait que les chercheurs du secteur étaient «pour ainsi dire absents» des grands projets, qui se déployaient pour l’essentiel en sciences pures et appliquées, dans le domaine biomédical et de façon plus restreinte en sciences sociales.
Accélérer la cadence
À l’heure actuelle, le secteur des lettres et des sciences humaines, incluant la musique et la théologie, accueille 4002 étudiants ETC. L’Université souhaite accroître la qualité des étudiants à tous les cycles et en augmenter le nombre aux cycles supérieurs.
À cet égard, plusieurs projets sont envisagés. M. Duchesneau croit beaucoup au recrutement international, notamment au troisième cycle. La formule de cotutelle, qui permet à un étudiant d’avoir deux directeurs de thèse, un à Montréal et un dans une université de France, lui apparaît notamment très prometteuse, autant pour faciliter le recrutement d’étudiants étrangers que pour permettre à ceux inscrits ici d’aller voir ce qui se fait ailleurs tout en gardant un pied à l’UdeM. D’ailleurs, deux nouveaux accords rendront possibles les cotutelles avec l’Université catholique de Louvain et l’Université de Genève.
L’Université de Montréal a également créé des bourses d’exonération des frais différentiels pour les étudiants étrangers inscrits au doctorat.
De façon générale, l’Université veut encourager les étudiants à «réduire» la durée du parcours menant à l’obtention du doctorat. «Nous avons une tradition de maîtrise longue et lourde. Cependant, plus on allonge le temps, plus on court le risque de perdre des étudiants. Car se pose inévitablement la question du financement. Pour l’ensemble de l’UdeM, le financement moyen des étudiants de troisième cycle qui reçoivent un soutien financier – soit 72 % – s’établit à 14 750 $, comparativement à 11 352 $ pour ceux des lettres et des sciences humaines, incluant la musique et la théologie. Et encore, la proportion de ceux qui reçoivent une aide financière n’est que de 68 %.
Pourquoi en est-il ainsi? «Ce n’est surtout pas la Faculté des études supérieures qui est en cause, assure M. Duchesneau. Le différentiel vient plutôt des fonds de recherche moindres des professeurs et donc de leur difficulté à les distribuer aux étudiants.» À cet égard, il invite le secteur à «élaborer des stratégies».
Encadrer les jeunes
Enfin, le vice-recteur à la planification et aux relations internationales, qui est professeur au Département de philosophie,estime qu’il est impérieux de renforcer l’encadrement des étudiants.
Paule des Rivières
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François Duchesneau | «Les étudiants ont besoin d’un encadrement plus serré qu’il y a 20 ans. À la maîtrise et au doctorat, les problématiques sont plus complexes, l’information scientifique est plurielle. L’étudiant a besoin d’entrer dans un système d’interactions et d’y être guidé, résume-t-il. Il y a des modèles de recherche qui viennent d’ailleurs. En études littéraires, par exemple, il existe des modèles issus des sciences sociales.»
Pour financer ces projets, l’Université constituera un fonds de relance de 2,5 M$, qui sera dépensé à raison de 500 000 $ par année pendant cinq ans. «Les gens seront soutenus dans leur remise en question», assure M. Duchesneau.
Le secteur des lettres et des sciences humaines pourra aussi compter sur un agrandissement de sa bibliothèque, ce qui permettra de mettre sur pied un centre de conservation des collections de livres rares et d’autres collections spéciales. Le nouveau pavillon deviendra un lieu d’accueil, de formation et d’animation.
«Ce projet n’est pas un luxe. Les universités accordent aujourd’hui beaucoup d’importance aux livres rares, qui sont surtout utilisés par les gens des lettres et des sciences humaines en raison de leur caractère historique», souligne M. Duchesneau.
D’ailleurs, la «crise du logement» de ce secteur ne se limite pas à sa bibliothèque. Et même avec l’achat de la maison mère de la congrégation des Sœurs des saints noms de Jésus et de Marie, les besoins d’espace demeureront. Mais la relance, elle, est bel et bien engagée. |