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Le Huainan zi est si vite devenu un succès de librairie avec 6000 exemplaires vendus en six mois. Les codirecteurs de la publication ont orné le boîtier d'une lampe à huile du deuxième siècle avant notre ère, l'ouvrage étant également connu sous le titre de Grande Lumière. |
L’âge d’or du taoïsme
Charles Le Blanc codirige la traduction d’une œuvre centrale du taoïsme publiée dans la Pléiade.
«Qui donc a jamais compris que ce qui donne forme aux formes n’a pas de forme?» Si vous souhaitez méditer ce principe fondamental du taoïsme, le Huainan zi est pour vous.
Publié récemment chez Gallimard dans la prestigieuse Bibliothèque de la Pléiade, le Huainan zi est considéré comme l’une des œuvres les plus marquantes de la philosophie taoïste. «L’ouvrage a permis la synthèse des courants de pensée de la Chine au deuxième siècle avant notre ère, soit le confucianisme, le yin-yang, le légisme et l’école épistémologique. L’unification s’est faite sous les principes du taoïsme, qui n’était jusque-là qu’un courant parmi d’autres et qui est par la suite devenu le courant dominant», explique Charles Le Blanc, professeur émérite de la Faculté de philosophie. Le professeur Le Blanc, chercheur au Centre d’études de l’Asie de l’Est, a codirigé la traduction et l’annotation de cet ouvrage de près de 1200 pages avec Rémi Mathieu, chercheur au CNRS.
Lancé en avril dernier à Paris et le 30 septembre à Montréal, le livre est déjà un succès de librairie avec plus de 6000 exemplaires vendus. «C’est au-delà de toute espérance, affirme Charles Le Blanc. On s’attendait à en vendre 2000 pour cette période.»
Guide pour un bon gouvernement
Le Huainan zi tire son origine des écrits de Liu An, prince de Huainan près de Shanghai, qui, vers l’an 160 avant notre ère, rassembla autour de lui des philosophes et des scientifiques de toutes disciplines, notamment des historiens, des astronomes, des mathématiciens, des médecins, des agronomes et des poètes. L’ouvrage nous livre donc la somme des connaissances de cette époque en plus de présenter les coutumes et mythes de la Chine des Han, les institutions politiques ainsi que les croyances et pratiques religieuses.
Mais le livre va plus loin que cette simple somme de connaissances et de coutumes. «La philosophie et l’éthique chinoises ont toujours une visée politique, souligne Charles Le Blanc. Le but du Huainan zi est de proposer une vision totale de l’être humain, de la société et du cosmos afin d’arriver à un gouvernement juste et efficace.»
Cette vision globale mène au dao (anciennement orthographié «tao»), qui est à la fois principe insaisissable et manière d’agir: «Le dao ne saurait être aperçu; ce qui est aperçu n’est pas lui. Le dao ne saurait être énoncé; ce qui est énoncé n’est pas lui. Qui donc a jamais compris que ce qui donne forme aux formes n’a pas de forme?» écrit Liu An.
On ne peut s’empêcher de voir une parenté entre ce principe insaisissable et les Idées, de Platon, qui donnent forme au monde sensible. Il y aurait d’ailleurs plusieurs rapprochements à faire entre les philosophes grecs et les philosophes taoïstes, même si les deux courants ne se sont pas influencés et qu’ils n’ont pas eu cours à la même époque.
Résonance
Le principe derrière cette notion d’essence préfigurant le monde sensible est celui de résonance, une idée maîtresse apportée par le Huainan zi et qui marque tout le taoïsme. Il y a résonance non seulement entre le monde immatériel et le monde matériel, mais également entre les événements de la vie. Ce principe tient lieu de ce qu’on appelle, en Occident, la causalité: un événement qui se produit en entraîne un autre non pas par enchaînement causal mais par résonance — un peu à la manière du diapason —, les deux événements ou formes étant en harmonie l’un avec l’autre.
Charles Le Blanc a consacré son doctorat à ce principe, qui fait l’objet d’un chapitre entier du Huainan zi et qu’il avait déjà traduit. Cette traduction a du reste incité les responsables de Gallimard à lui confier la direction de la traduction intégrale du Huainan zi, qui constitue le deuxième tome de la série sur les philosophes taoïstes.
Le professeur a par ailleurs traduit 5 autres des 21 chapitres. Son collègue Rémi Mathieu en a également traduit 5 et les 10 autres chapitres ont été confiés à six collaborateurs. Les deux codirecteurs ont par la suite uniformisé les traductions. Sur les 1182 pages de l’ouvrage, les introductions de chapitre, les notes et la bibliographie rédigées par MM. Le Blanc et Mathieu occupent environ 400 pages.
Ce volume se démarque des autres publications de la Pléiade par la présence d’illustrations, ce qui serait une première pour un livre de philosophie. Chaque chapitre est accompagné de l’illustration d’un objet ou d’une œuvre d’art de l’époque en rapport avec le thème du chapitre.
Ces illustrations ont été préparées par Bernard Lambert, photographe à Forum. Le professeur Le Blanc a tenu à souligner la qualité de ce travail de retouche et de reconstruction qu’il a qualifié d’«extraordinaire» et d’«exceptionnel».
Daniel Baril
Grands-parents aujourd’hui: plaisirs et pièges
Ce livre s’adresse à tous les grands-parents, jeunes ou vieux, avec ou sans expérience. Ils y découvriront les caractéristiques des grands-parents de ce 21e siècle, l’influence qu’ils peuvent avoir sur leur petit-enfant et celle que celui-ci aura sur eux, les pièges qui les guettent dans ce nouveau rôle et les moyens de les éviter. Ils y apprendront surtout à multiplier les occasions de plaisir avec l’enfant.
Des situations particulières sont aussi présentées: être grands-parents d’un enfant adopté, d’un enfant qui naît avec une déficience, d’un enfant d’une famille recomposée. L’ouvrage contient de plus de nombreuses suggestions d’activités qui seront des cadeaux inestimables pour l’enfant. Sa lecture pourra également aider les parents à comprendre la complexité de ce nouveau rôle que jouent leurs propres parents.
Francine Ferland est professeure à l’École de réadaptation de l’UdeM.
Francine Ferland, Grands-parents aujourd’hui: plaisirs et pièges, Montréal, Éditions de l’hôpital Sainte-Justine, 2003.
Perception et réalité
Une introduction à la psychologie des perceptions
Nos perceptions nous donnent accès à l’univers environnant. Mais quel type de contact et quelle réalité sont pris en charge par la perception? La réalité perceptive ne correspond pas toujours à celle des physiciens, ni à celle des chimistes, des géomètres ou des physiologistes. Pour la psychologie de la perception, il s’agit de l’ensemble des données avec lesquelles nous sommes en interaction constante et que nous utilisons pour nous adapter et survivre. Ces données ont longtemps été admises comme issues des sens alors qu’aujourd’hui elles sont plutôt considérées comme un produit du cerveau. Le présent ouvrage examine la diversité des réponses que les sciences humaines apportent à ces questions en exposant, entre autres, le débat qui a actuellement cours au sujet de la part respective du «biologique» dans le fonctionnement des perceptions.
L’ouvrage comporte trois parties. La première regroupe trois chapitres sur les fondements théoriques et méthodologiques de la psychologie de la perception. Le premier chapitre aborde, dans une perception historique, les diverses problématiques soulevées par la question des rapports entre les perceptions et la réalité, et les deux autres portent respectivement sur les diverses approches théoriques et méthodologiques qui définissent ce champ d’études. Dans les six chapitres de la deuxième partie, un espace important est consacré aux diverses modalités sensorielles et à leurs mécanismes d’interaction. En effet, bien qu’elle soit souvent fondue dans le processus perceptif global, chaque modalité sensorielle n’en constitue pas moins un mode original d’accès au réel et, donc, d’élaboration du percept. Enfin, sous le titre général de «Mécanismes perceptifs», la troisième partie de l’ouvrage examine les grandes dimensions de la réalité perceptive que constituent l’espace, le mouvement, le temps et la forme, de même que des thématiques essentielles comme le développement perceptif, les rapports de réciprocité entre perception et action, et les mécanismes de la sélectivité perceptive.
Ce livre a pour objectif principal d’initier un large public (étudiants, scientifiques et divers professionnels) à l’étude scientifique de la psychologie des perceptions en démontrant comment les concepts théoriques s’articulent avec les preuves expérimentales. L’approfondissement a été limité à des notions de base essentielles de façon que le texte reste accessible à un lecteur profane en psychologie ou spécialisé dans un autre domaine.
André Delorme est professeur titulaire au Département de psychologie.
André Delorme et Michelangelo Flückiger, Perception et réalité: une introduction à la psychologie des perceptions, Boucherville, Gaëtan Morin éditeur, 2003.
Possibles et ATTAC: une autre économie
Pour qu’un «autre monde» soit possible, il faut, en plus du système mondial, changer les bases de l’économie de marché et de la science qui la fonde. En collaboration avec ATTAC-Québec, mouvement de plus en plus présent dans la société civile, ce numéro de Possibles tente d’amorcer cette remise en question. Pour ce faire, il éclaire d’abord différentes facettes des ravages de la mondialisation: transactions financières internationales, paradis fiscaux, fonds de pension, agriculture. Inspirés d’expériences du Brésil, de l’Inde, de l’Afrique et du Québec, nous explorons ensuite des propositions alternatives susceptibles de déconstruire les sciences économiques et de refonder la société sur un nouvel imaginaire.
Ont notamment collaboré à ce numéro Pierre Avignon, du Département de science politique, Roxane Bernier et Marie-Claude Rose, du Département de sociologie, Olivier de Champlain et Jean-Pierre Dupuis, de HEC Montréal, et Normand Mousseau, du Département de physique.
Possibles, vol. 27, no 4, Une autre économie, automne 2003, 178 p., 8 $.