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Francine Ferland |
Les baby-boomers ont maintenant l’âge d’être grands-pères et grands-mères. Déjà, un Canadien sur quatre a un petit-enfant ou même un arrière-petit-enfant. Une tendance qui est là pour s’accentuer avec le vieillissement de la population. «Nous faisons face à une génération de papis et de mamies très différente des précédentes. Ils sont plus jeunes et en bien meilleure santé que les grands-parents d’autrefois. Par contre, ils ont plus de difficulté à saisir leur rôle au sein de la famille», mentionne Francine Ferland, professeure d’ergothérapie à la Faculté de médecine et auteure d’un livre qui vient de paraître sur le sujet:
Grands-parents d’aujourd’hui: plaisirs et pièges.
Exit le chignon blanc et le tablier de mémé. Et pépé ne se berce plus dans sa chaise en fumant sa pipe. Plusieurs des nouveaux grands-parents ne sont même pas à la retraite lorsqu’ils se présentent à la pouponnière pour saluer la venue au monde du petit-fils ou de la petite-fille. D’autres sont des retraités à l’agenda plus chargé que durant leur vie active… «Les grands-parents d’aujourd’hui sont plus susceptibles de construire des chaises berçantes que de s’y asseoir. De commercialiser des biscuits que d’en faire et de porter un survêtement de jogging qu’un tablier», écrit l’auteure en citant un document sur le développement de la personne paru en 1996.
De nos jours, les grands-mères sont beaucoup plus nombreuses que les grands-pères, car l’allongement de l’espérance de vie a nettement favorisé les femmes. Autre différence: la famille recomposée est presque la famille type du 21e siècle. Alexandre, neuf ans, en sait quelque chose: «Quand on est tout petit, avoir plusieurs grands-parents (j’en ai huit) n’est pas du tout relax. Il faut apprendre les noms de tout le monde par cœur. Il faut être vif comme l’éclair pour identifier la personne […] Mes amis me trouvent chanceux d’avoir autant de grands-parents parce qu’ils pensent que je reçois plus de cadeaux qu’eux; ce n’est pas vrai.»
Alexandre est une des quelque 20 personnes à avoir été interviewées dans cet ouvrage.
Pourquoi ce livre?
Auteure de deux autres volumes dans la collection Pour les parents, de l’hôpital Sainte-Justine (Un enfant à découvrir et Et si on jouait?), Francine Ferland a voulu se consacrer à ce sujet après avoir constaté que très peu d’ouvrages s’adressaient aux grands-parents. «Il existe une pléthore d’études sur le vieillissement mais à peu près aucun livre grand public sur l’art d’être grand-père ou grand-mère, dit-elle. Et je dois dire, de plus, que ce sujet m’intéressait personnellement.»
Les plaisirs des grands-parents sont bien connus: plongée dans le monde de l’enfance sans les tracas de l’éducation qui y sont associés, transmission des valeurs et des connaissances, etc. Les pièges sont moins évidents et Francine Ferland leur accorde une large place dans son livre. L’ingérence dans la vie de famille est certainement le plus courant d’entre eux. «Ce piège est d’autant plus grand que les liens existant entre les parents et les grands-parents sont établis non pas sur un mode égalitaire mais bien dans un rapport d’autorité; ce rapport vise à maintenir les nouveaux parents en situation d’enfant face aux grands-parents», écrit Mme Ferland.
Des commentaires sur l’éducation peuvent être malvenus, par exemple quand une mère reproche à sa fille de prendre trop souvent son bébé dans ses bras («Tu vas le gâter!») ou de ne pas le nourrir convenablement. Les couples de grands-parents peuvent aussi développer une rivalité malsaine entre eux ou entre l’un d’eux et un parent. «Je crois sincèrement que les grands-parents vivent en général assez bien leur rôle. Et je ne souhaite pas qu’on revienne aux rituels d’antan comme le souper obligatoire du dimanche. Être grands-parents, c’est extraordinaire, mais il faut savoir garder une distance par rapport aux familles de ses enfants.»
En sa qualité d’ergothérapeute, Francine Ferland possède une solide expérience dans ce domaine, et son livre présente en annexe une liste des ressources disponibles, pour les parents comme pour les grands-parents.
Grand-mère à 50 ans
Mme Ferland espérait devenir grand-mère avant l’âge de 50 ans. Son souhait a été exaucé in extremis… à 49 ans et 11 mois. «Je suis représentative de la nouvelle réalité. Selon l’institut Vanier de la famille, les couples canadiens deviennent grands-parents pour la première fois au milieu de leur vie, soit vers la fin de la quarantaine ou au début de la cinquantaine.»
Aujourd’hui trois fois grand-mère, elle s’accorde beaucoup de temps avec ses petits-enfants, mais évite de s’immiscer dans l’intimité des familles. Elle a fait sienne cette pensée du philosophe Alain cité dans son livre: «Aimer, c’est trouver sa richesse hors de soi.»
Mathieu-Robert Sauvé
Francine Ferland, Grands-parents aujourd’hui: plaisirs et pièges, collection Pour les parents, Montréal, Éditions de l’hôpital Sainte-Justine, 2003, 152 pages.