Édition du 1er décembre 2003 / volume 38, numéro 14
 
  Vendre des pilules le sac au dos…
Six étudiants parlent de leur expérience de pharmaciens globe-trotters

Josianne Gauthier devant la lagune Miscanti au Chili

«J'ai exécuté des ordonnances de plantes que je ne connaissais pas; préparé des toniques au safran et au crocus, vendu des médicaments homéopathiques… Franchement, je peux vous dire que la pharmacie allemande est très différente de celle que nous pratiquons ici.»

Catherine Bélanger est revenue emballée de son séjour de trois semaines dans un village d’un millier d’habitants dans la campagne allemande. Mais son stage chez l’apothicaire germanique lui a fait mesurer la distance entre le pharmacien nord-américain et ses confrères européens. «Là-bas, pas de pilules à compter, et les frais sont couverts à 99 % par l’État. Cela rend les choses beaucoup plus simples pour le pharmacien. Toutefois, les soins pharmaceutiques sont moins développés qu’ici. À ce chapitre, la profession a du chemin à faire.»

Mme Bélanger livrait sa vision des choses à l’occasion d’une rencontre organisée par l’Association des étudiants en pharmacie le 18 novembre dernier, à laquelle assistaient une cinquantaine de personnes. Les organisateurs avaient réuni les étudiants qui ont effectué l’an dernier un stage de recherche ou d’études à l’étranger afin d’en inciter d’autres à en faire autant. «C’est ici même que notre projet a pris naissance, a confié Éric Van Honeker, parti étudier à Lyon durant une année complète avec un autre étudiant, David Saint-Jean. Nous avions envie de vivre une expérience différente. Tout a commencé par une idée lancée comme ça, dans le Z-110.»

Préparatifs complexes

Les apprentis pharmaciens.

Les apprentis pharmaciens ont poussé un soupir de soulagement en montant dans l’avion, tellement les préparatifs ont été longs et compliqués. Le plus difficile a été de trouver des cours jugés équivalents à ceux qui figurent dans leur programme d’études. En effet, en vertu des ententes signées par l’Université de Montréal avec ses partenaires, les étudiants demeurent inscrits à leur université d’attache et les notes acquises à l’étranger s’ajoutent à leur relevé.

À la Maison internationale du Pavillon J.-A.-DeSève, les étudiants ont trouvé des oreilles attentives. «La Maison internationale est bien organisée pour venir en aide à ceux qui veulent partir étudier à l’étranger. En tout cas, nous avons trouvé ce soutien drôlement utile», mentionne l’étudiant.

David Saint-Jean et Éric Van Honeker ont bénéficié de bourses de mobilité de 8000 $ offertes par le gouvernement du Québec et d’un soutien de l’Office franco-québécois pour la jeunesse. Cet appui qui leur a permis de financer une partie de leur séjour.

Arrivés à destination, ils ont connu les affres de la recherche d’un logement dans la deuxième ville française. Mais ils en sont venus à bout… avant de goûter aux petits côtés archaïques de l’enseignement supérieur en France. Par exemple, pour trouver l’horaire des cours à l’Université Paul-Bernard (Lyon 1), il faut avoir de la chance; ces horaires sont affichés sur des listes dans les corridors et certains professeurs peu scrupuleux ne se donnent pas la peine de les mettre à jour. De plus, le soutien à l’enseignement est parfois lacunaire.

Les étudiants ont semblé surpris, eux aussi, de constater que l’homéopathie est considérée en Europe comme une branche sérieuse de la pharmacie. Par ailleurs, dans un cours sur l’herboristerie, ils ont dû apprendre à reconnaître des plantes séchées. «Comme dans Harry Potter», ironise David Saint-Jean.

Ce séjour leur a permis de découvrir l’Europe. Ils ont profité de leur pied-à-terre lyonnais pour visiter l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas et l’Angleterre, sans compter la France, qu’ils ont sillonnée de long en large. Une expérience mémorable: «Grâce à ce voyage, notre monde s’est agrandi. Nous recommandons à tous de vivre une expérience dans un programme d’échanges», a lancé David Saint-Jean.

Des stages improvisés

L’Université de Montréal a signé des ententes avec 54 pays (voir le site du Bureau des relations internationales: www.intl.umontreal.ca/ ). Les étudiants peuvent de plus bénéficier des ententes conclues par la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec. Mais on peut aussi compter sur le système D.

Deborah Benitah avec une petite Bolivienne.

Deborah Benitah était en Amérique du Sud depuis six mois lorsqu’elle a signé une entente avec un service de consultations externes à La Paz, en Bolivie. Elle a pu suivre un stage de deux semaines dans une pharmacie de centre hospitalier. Là aussi, on n’attend qu’une chose des pharmaciens: qu’ils vendent des médicaments. «Même lorsque je suggérais aux clients de prendre leur antibiotique en mangeant pour éviter les troubles digestifs, mon patron me regardait drôlement…»

Josianne Gauthier a aussi fait preuve de débrouillardise. Elle est partie pour un voyage de deux mois au Chili avec les coordonnées du père d’un ami, pharmacien, éventuellement prêt à l’accueillir comme stagiaire. «Mais je n’avais nouer aucune entente officielle», précise-t-elle.

Finalement, son stage a duré un mois dans la pharmacie d’une ville plutôt pauvre du nord du pays. «Là-bas, tout se passe derrière le comptoir. Le client se présente avec une liste et le pharmacien le sert. Cette liste peut contenir deux brosses à dents, un antisudorifique et une bouteille d’antibiotiques. D’ailleurs ceux-ci viennent dans des bouteilles de 10, 20 ou 30. Pas question de faire des rectifications.»

Peu à peu, les Chiliens s’ouvrent aux vertus du conseil pharmaceutique, comme en témoigne une photo de Josianne Gauthier sur laquelle on voit un comptoir surmonté de l’écriteau Attencion farmacéutica. Fort appréciée par l’auditoire, la conférence midi était agrémentée de plusieurs photos de voyage. Comme l’a dit Deborah Benitah, si celles-ci donnent envie de bouger, alors tant mieux. «Partez. Il en restera toujours quelque chose!»

Mathieu-Robert Sauvé



 
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