Édition du 1er décembre 2003 / volume 38, numéro 14
 
  Hommage
Décès de Constantin Fotinas

Constantin Fotinas

Un grand éducateur nous a quittés.

Le 13 octobre s’éteignait, à Athènes, un collègue, Constantin Fotinas, qui a consacré près de 30 ans de sa vie au secteur de l’éducation à l’Université de Montréal. Quelques amis sont venus le saluer à la cathédrale orthodoxe Saint-Georges le 16 novembre dernier. Ces quelques mots se veulent un témoignage de ses qualités d’éducateur et de chercheur dans le domaine de la pédagogie ouverte.

Le professeur Fotinas est entré à la Faculté des sciences de l’éducation en 1973, alors qu’il travaillait depuis déjà quelques années au Service de l’audiovisuel. Sa conception de la pédagogie active, qui l’amenait à considérer l’étudiant comme une personne autonome, capable de définir son projet d’apprentissage, m’a littéralement séduit dès nos premières rencontres. J’avais d’ailleurs entendu parler de sa pédagogie «sauvage» antérieurement, dans mon lointain collège de Rouyn, quand des enseignants inscrits au Certificat en audiovisuel évoquaient avec enthousiasme le cours de langage cinématographique donné par le professeur Fotinas.

C’est à partir des principes sous-tendant les systèmes ouverts en éducation que nous avons cherché ensemble à mesurer l’impact de la pédagogie ouverte autant chez les étudiants que chez les éducateurs et les responsables des centres de ressources audiovisuelles. Une évaluation sauvage ayant été faite, nous nous sommes empressés de la décrire afin qu’elle devienne source d’inspiration pour le groupe de recherche que nous avions alors constitué, le GESOE (Groupe d’études sur les systèmes ouverts en éducation), qui s’est avéré avec le temps un forum de discussion fort stimulant pour de nombreux étudiants et étudiantes à la maîtrise et au doctorat. La philosophie autant que la ferveur de ces premières années de travail n’ont d’ailleurs cessé de se manifester à travers le temps, se déployant pour le professeur Fotinas dans le célèbre cours de café-école en harmonie avec la pensée guidant ses premières recherches.

Grand humaniste, le professeur Fotinas considérait que toute approche pédagogique, technologique ou non, devait être une création, une extension de l’être humain, homme ou femme, et en ce sens devait laisser place à l’expression des valeurs humaines les plus profondes. Ayant participé moi-même à plusieurs de ses cours, je l’ai vu prêcher l’amour, le respect intégral de l’autre, de son besoin d’exprimer ses émotions; je l’ai vu proclamer les bienfaits de la participation et de l’entraide. Il voyait l’apprentissage de façon globale, systémique, interactive, mais aussi constructiviste, comme à la charge de l’étudiant. On ne pouvait rester indifférent à son discours. Dans ses ateliers, on ne portait jamais de jugements négatifs. Il fallait toujours remettre en question le processus et rechercher les causes des échecs afin de transformer ceux-ci en réussites.

Le professeur Fotinas n’était réductionniste ni dans sa pensée ni dans son action. Le GESOE avait élaboré une méthode anthropopédagogique qui permettait de regarder un terrain d’apprentissage d’abord dans son ensemble, puis dans toutes ses ramifications. Plusieurs recherches de maîtrise et de doctorat ont ainsi pris pour assises les principes de cette approche de recherche. Les dernières thèses qu’il a dirigées portaient sur des modèles d’apprentissage touchant des valeurs philosophiques et technologiques; elles ont été soutenues durant les dernières années, alors qu’il avait pris sa retraite en 1997. Pour lui, le temps importait peu; c’étaient les valeurs qui comptaient, valeurs éternelles en quelque sorte qui appellent à répondre par le cœur à ceux qu’elles interpellent.

Le professeur Fotinas a publié de nombreux ouvrages, autant ici, au Québec, que dans son pays d’origine. Dans l’un de ses derniers, publié chez Écosociété en 1998, Bavardages d’un vieux prof avec son petit-fils, il résume sa pensée dans un sous-titre révélateur: Une révolution non violente en éducation. Il avait d’ailleurs mis sur pied, en Grèce, un centre voué au développement de la personne où il donnait encore, en septembre dernier, des ateliers de café-école. Nul doute que son souvenir vivra dans le cœur de ses étudiants et étudiantes ainsi que des collègues qui l’ont accueilli à l’Université.

André Morin

Professeur retraité Faculté des sciences de l’éducation



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement