Édition du 1er décembre 2003 / volume 38, numéro 14
 
  Capsule science
Les savons «antibactériens»: vraiment nécessaires au quotidien ?

De plus en plus, dans les cuisines communes de bureaux, mais aussi dans les écoles, dans les garderies et jusque chez les particuliers, on trouve, à côté de l’évier, du savon dit «antibactérien». (C’est d’ailleurs le cas dans la cuisinette de la Direction des communications et du recrutement à l’UdeM, où Forum a ses bureaux.)

«À la maison, à moins que vous ne fassiez de la chirurgie dans votre sous-sol, un tel savon n’a aucune espèce d’utilité», affirme le Dr Karl Weiss, microbiologiste-infectiologue à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont et professeur agrégé de clinique à l’Université. «Tous les savons sont en quelque sorte antibactériens, souligne pour sa part Guy Lemay, professeur agrégé au Département de microbiologie et immunologie La mention “antibactérien” a beaucoup à voir avec le marketing.» Pour Karl Weiss, l’important, c’est de se laver les mains avec un savon normal pendant une vingtaine de secondes quelques fois par jour «une solution facile, peu coûteuse et très efficace». Trop de personnes négligeraient de le faire. «Certaines études ont été menées sur les habitudes des gens au sortir des toilettes et dans les lieux publics. On a estimé qu’il y avait moins de 50 % des gens qui se lavent les mains», fait remarquer le médecin.

Par ailleurs, il souligne que «c’est un médecin hongrois du 19e siècle, Ignaz Semmelweis, qui le premier préconisa de se laver les mains entre les accouchements. Il démontra que cela avait un impact majeur sur la mortalité des femmes parturientes.»

Certes, il y a des endroits où des principes d’aseptie doivent être strictement respectés, dans les hôpitaux évidemment. M. Weiss ajoute que dans les garderies, où la concentration de bactéries mais aussi de virus est grande, les savons antimicrobiens peuvent être utiles pour freiner leur propagation.

Karl Weiss doute cependant de l’utilité de certains objets dits antibactériens – par exemple des jouets ou des stylos conçus comme tels au Japon. «On ne sait même pas si les produits antibiotiques dont on a enduit ces objets restent très longtemps.»

Non seulement les objets qui répondent à l’obsession antiseptique contemporaine seraient inefficaces, mais la multiplication des produits antibactériens pourrait même être nuisible. «À terme, ils peuvent encourager la résistance microbienne», dit le médecin tout en rejetant aussi les thèses selon lesquelles ces savons contribueraient à affaiblir l’immunité des utilisateurs.

Selon une étude sur les savons antibactériens effectuée aux États-Unis en 2001, rien ne prouve que le triclosan et le triclocarban (TC), fréquemment ajoutés aux savons liquides pour les rendre «antibactériens», peuvent vraiment servir à réduire les infections. Le responsable de l’étude, Eli Perencevich, du Beth Israel Deaconess Medical Center à Boston, a conclu que certaines données font croire que le triclosan pourrait contribuer à répandre des bactéries résistantes. Les résultats ont été obtenus à partir de l’analyse de 733 pains de savon et de 395 savons liquides de diverses provenances sur l’ensemble du territoire américain. Environ deux tiers des savons liquides et un tiers des savons en pain contenaient du TC.

Antoine Robitaille



 
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