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Ce qui crée, dans les rues de Montréal, tant de nids-de-poule, voire parfois des «nids-d’autruche», pour reprendre un mot utilisé par le maire Gérald Tremblay lui-même? «Rien de très sorcier! répond Michel Gendreau, du Centre de recherche sur les transports de l’UdeM. C’est l’action du gel et du dégel en conjonction avec les précipitations.» Lorsque la température se situe au-dessus du point de congélation, l’eau s’infiltre dans les fissures. Plus tard, quand le mercure descend au-dessous de zéro, l’eau gèle, prend de l’expansion et fait ainsi lever des morceaux de bitume. Suffit qu’une voiture roule dessus pour que le morceau casse ou soit arraché. L’effet des véhicules qui passent les uns après les autres dans un même trou fait le reste: le «nid» se creuse et s’agrandit toujours plus. Le phénomène s’observe habituellement au printemps, mais M. Gendreau fait remarquer qu’au mois de décembre dernier on a eu un enchaînement exceptionnel de températures changeantes: doux, redoux, pluie, neige, verglas, etc. D’où l’état actuel des rues et boulevards de Montréal.
Guérir, mais surtout prévenir
Que faire? Cela semble évident: réparer! Mais, surtout, prévenir, c’est-à-dire entretenir les routes davantage. «Ce qui souvent permet de faire des économies», note le professeur. Mieux vaut donc prévenir que guérir. Mais comment planifier ces entretiens quand il y a tant de types de routes, de multiples priorités et une rareté des ressources? Avec des outils, des logiciels en fait, comme ceux qu’a élaborés Michel Gendreau il y a 10 ans pour le ministère des Transports du Québec. (Il n’est par conséquent nullement responsable de l’état des grandes et petites artères de Montréal!) Ce «système avancé d’aide à la décision» est utilisé par le ministère depuis une décennie et a récemment été mis à jour.
Ce type de planification de l’entretien d’un réseau donné consiste à «déterminer quelles interventions doivent être réalisées sur chaque élément du réseau, ainsi que le moment de celles-ci», explique M. Gendreau. Il y a deux niveaux de planification. Un premier, dit stratégique, a rapport aux interventions à long terme pour l’ensemble des infrastructures. On met alors l’accent sur les aspects économiques et budgétaires du processus, ce qui permet d’utiliser une représentation agrégée du réseau, c’est-à-dire qui regroupe les sections ou les sous-sections de routes. L’autre niveau, c’est celui qu’on nomme tactique, où l’on choisit les interventions à exécuter au cours d’une année sur un réseau régional dans un horizon de planification à moyen terme, soit deux ou trois ans. Dans les deux cas, «la détermination d’un plan optimal d’intervention prend la forme d’un programme mathématique et nécessite la mise au point d’algorithmes de résolution», dit M. Gendreau. Pour les routes du Québec, la formule qu’il a conçue est effectivement très impressionnante.
VUS
Si la planification de l’entretien n’est pas respectée et que, par exemple, les nids-de-poule se mettent à pulluler, faut-il que les automobilistes cèdent à la tentation d’acheter des véhicules plus robustes, du genre utilitaires sport (VUS)? Michel Gendreau fulmine au bout du fil. Le professeur y voit une mode «complètement inutile» par laquelle les gens en viennent à consommer beaucoup trop d’essence. De plus, «ils disent acheter ces VUS pour la sécurité, or ce type de véhicule est dangereux». Les risques de capoter sont beaucoup plus grands. Aussi, les distances de freinage sont multipliées. Enfin, parce qu’on s’y sent invulnérable et parce qu’on domine la route, «on a tendance à être moins prudent». Vaut mieux, donc, éviter les nids-de-poule avec notre voiture que de faire du cross-country urbain risquée en VUS.
Antoine Robitaille