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Ligne de transport hydroélectrique traversant un paysage à Boucherville |
Comme en témoignent de récents articles dans la presse écrite, on se préoccupe de plus en plus du paysage au Québec. Que ce soit en milieu urbain ou rural, le Québécois en a assez des panneaux publicitaires et du développement sauvage: il veut que son environnement soit agréable à regarder. Comme cette préoccupation est nouvelle, des dégâts irréparables ont malheureusement été commis. Est-il possible d’éviter les erreurs du passé?
«La conscience du paysage s’est développée à la manière d’une réaction de défense à des projets ou à des aménagements qu’on a considérés comme porteurs de pollution visuelle, relate Philippe Poullaouec-Gonidec, professeur à l’École d’architecture de paysage. Elle est une des facettes de la préoccupation récente à l’égard de la qualité de vie et de l’environnement.»
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Philippe Poullaouec-Gonidec |
Dans les régions, on découvre maintenant que la signature du paysage peut devenir un levier économique et stimuler l’industrie touristique. L’un des événements marquants de cette prise de conscience, selon Philippe Poullaouec-Gonidec, aurait été la mobilisation contre le projet de lignes à haute tension au-dessus du fleuve à Grondines. On se souvient que l’opposition des résidants de la région a forcé Hydro-Québec à revoir ses plans – et son budget! – pour faire passer les lignes sous le fleuve.
«Cette opposition a amené le gouvernement à prendre davantage en considération la préservation du paysage dans ses travaux d’aménagement. C’est un mouvement qui va aller en se consolidant parce que les gens sont de plus en plus soucieux de conserver leur environnement, perçu comme une marque de l’identité locale», indique le professeur.
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Les marques d’un conflit à Beyrouth |
Stimuler la recherche
On s’étonne que les événements de Grondines n’aient pas incité les résidants de l’île d’Orléans à faire de même. Lorsqu’ils ont été construits, les pylônes géants qui défigurent la côte de Beaupré et la rive nord de l’île étaient un symbole de l’essor économique du Québec, souligne le professeur. Autres temps, autres mœurs.
Au moment du «blocus»de Grondines, Philippe Poullaouec-Gonidec, alors directeur de l’École, crée la Chaire en paysage et environnement pour stimuler la recherche sur le paysage, c’est-à-dire cerner les différents phénomènes de la transformation du territoire et de l’environnement visuel. Les travaux de cette chaire unique en son genre portent autant sur les aspects humains du paysage en tant que construit social que sur l’analyse des pratiques aménagistes ou la collaboration à des projets d’infrastructures comme le tracé d’une route ou les aménagements paysagers à l’entrée des villes et villages.
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Reconstruction sans âme d’un quartier de Beyrouth |
«Il existe ailleurs des laboratoires en paysage, mais aucune chaire comme la nôtre, où les perspectives théoriques découlent de la recherche-action», affirme son titulaire. Les recherches alimentent aussi l’enseignement à l’École d’architecture de paysage puisque plusieurs maîtrises et doctorats sont réalisés avec les partenaires de la Chaire, dont Hydro-Québec, le ministère des Transports, le ministère de l’Environnement et celui des Affaires municipales, du Sport et du Loisir.
Chaire UNESCO
Les travaux effectués par la chaire du professeur Poullaouec-Gonidec depuis 1996 viennent de recevoir une reconnaissance d’envergure. L’UNESCO a en effet pris appui sur l’expertise acquise à l’UdeM pour y établir sa première chaire consacrée à la valorisation du paysage comme axe de recherche et d’enseignement universitaire.
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Patrimoine historique : alignement d’arbres du parc de la villa Pamphili, à Rome |
«Il s’agit d’un nouvelle chaire qui confirme le leadership de l’Université de Montréal dans ce domaine, affirme le professeur Poullaouec-Gonidec, qui en est également le directeur. Elle nous permettra de mettre nos travaux théoriques et nos recherches-actions dans une perspective internationale.»
Plus précisément, la chaire UNESCO en paysage et environnement vise à soutenir la coopération interuniversitaire, à favoriser le transfert des connaissances, notamment vers les pays en voie de développement, et à renforcer l’enseignement universitaire par la mobilité professorale et étudiante. Les travaux, qui serviront de levier à l’enseignement, s’articuleront autour de trois axes: le paysage urbain, le paysage rural et l’environnement.
La chaire met en réseau neuf établissements universitaires de six pays, soit du Canada, du Maroc, du Liban, d’Italie, d’Espagne et d’Autriche. Des ateliers d’été seront notamment organisés au Québec et en Europe et des bourses d’études et de voyages seront offertes.
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Patrimoine intangible : marché public de Palerme |
À plus long terme, la chaire devrait mener à la création d’un observatoire international des paysages en coopération avec le Centre du patrimoine mondial et Gestion des transformations sociales, deux instances de l’UNESCO.
La chaire UNESCO en paysage et environnement sera officiellement inaugurée ce jeudi 12 février en présence de représentants de l’UNESCO et du ministère de l’Environnement.
Dans la direction de ces deux chaires, le professeur Poullaouec-Gonidec est secondé par son collègue Gérald Domon, qui agit à titre de directeur scientifique associé.
Daniel Baril