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La plus petite pompe cardiaque du monde pèse 55 grammes. |
Le génie mécanique et l’hydraulique n’ont
a priori que peu à voir avec la cardiologie. C’est pourtant vers André Garon, professeur et chercheur dans ces disciplines à
l’École Polytechnique, que s’est tourné l’Institut de cardiologie de Montréal pour mettre au point la plus petite pompe cardiaque du monde.
Elle fait 22 millimètres de diamètre et pèse 55 grammes dans sa version actuelle. La pompe cardiaque en cours de développement à l’École Polytechnique est en fait une turbine miniature dont les pales sont actionnées par un moteur électrique. Ce bijou de design, taillé dans une pièce de titane, a été conçu pour être mis en place dans le ventricule gauche par l’aorte. En procédant ainsi, on souhaite réduire l’importance de la chirurgie ainsi que la durée de la convalescence.
Pour l’instant, les cardiologues ont surtout recours aux pompes cardiaques afin de gagner du temps lorsque le cœur montre des signes de faiblesse. Parmi les causes qui obligent à une chirurgie ou à une transplantation cardiaques, on pense par exemple aux infarctus silencieux – dont le cumul entraîne la nécrose du muscle cardiaque –, à l’hypertension non traitée, au vieillissement ou encore à certains virus qui se logent dans le cœur.
«Sans assistance cardiaque, indique André Garon, les cardiologues n’auraient pas le temps nécessaire pour trouver un donneur ou choisir le bon traitement.» Il ajoute toutefois qu’au terme de son développement la pompe ventriculaire pourra être implantée de façon permanente. «Nous voulons fabriquer une pompe d’une grande fiabilité dont la durée de vie se situera entre 5 et 10 ans. Elle répondra à la demande des personnes dans la cinquantaine, les plus nombreux candidats à la chirurgie cardiaque, qui veulent demeurer actives et conserver une bonne qualité de vie.»
Au-delà des défis techniques, le travail d’André Garon et de son équipe de huit personnes consiste à créer une pompe dont le coût social est acceptable. «Notre coût de référence, dit-il, est celui d’un défibrillateur, soit environ 30 000 $. On installe cet appareil chez les gens atteints d’arythmie cardiaque sans se questionner sur leur âge ou leur condition physique. Les cardiologues savent qu’il existe aujourd’hui des dispositifs pour pallier les faiblesses du cœur, mais ils coûtent excessivement cher, jusqu’à 250 000 $...» Le coût social d’une pompe cardiaque deviendra un critère de moindre importance pour les comités d’éthique chargés d’accepter ou de refuser l’implantation d’une pompe cardiaque.
Soutenir l’aventure scientifique
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André Garon |
L’idée de la pompe a germé dans l’esprit de deux chirurgiens de l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM), Louis-Conrad Pelletier et Michel Carrier, les responsables du volet clinique du projet, qui ont fait appel à André Garon. «L’Institut avait élaboré un concept, raconte le mathématicien de formation spécialisé en hydraulique, mais il était difficile à réaliser si nous voulions rester compétitifs sur le marché. Nous avons donc travaillé à partir d’un nouveau concept.»
En lançant le projet en 1997, il est devenu nécessaire de mettre en place une structure de financement capable de soutenir toutes les étapes du développement, du démarrage à la commercialisation. Étant donné que les fonds de recherche normalement accessibles aux chercheurs pour la conception de matériel biomédical allaient être insuffisants, l’équipe a choisi de créer une entreprise, Cardianove. Celle-ci peut donc accéder aux programmes de crédit d’impôt et profiter d’autres avantages fiscaux. Le potentiel du projet est tel que l’ICM, les sociétés en commandite Polyvalor et T2C2 s’y sont engagés financièrement. «Le projet, souligne l’équipe, a pris forme en même temps que l’arrivée de nouveaux joueurs québécois en capital de risque, dont T2C2, dirigée par Bernard Coupal.» Ce dernier a été l’un des premiers à y apporter une substantielle contribution, nécessaire au démarrage de Cardianove.
«Les subventions, raconte André Garon, permettent de mener des recherches pendant trois ou cinq ans dans une relative tranquillité d’esprit. Avec Cardianove, c’est une autre manière de travailler, car le financement doit être renouvelé pour ainsi dire toutes les années. Et nous n’avons droit qu’au succès…, ce qui peut parfois empêcher de dormir.» Cardianove termine actuellement sa troisième phase de financement, qui permettra d’amasser les six millions de dollars indispensables à la réalisation des essais sur le veau. Après quoi, il faudra trouver d’autres partenaires pour effectuer les essais cliniques à l’horizon 2006-2007.
La pompe cardiaque fonctionne pour l’instant à l’extérieur du cœur. Ce système paracardiaque représente pour Cardianove un premier produit. «On ne peut pas savoir, précise André Garon, si des problèmes se présenteront au moment de l’implantation intracardiaque complète.» Cardianove offrira donc deux produits distincts pour réduire le risque lié à l’investissement, indique celui qui tient le discours à la fois de l’ingénieur, du cardiologue et du gestionnaire qu’impose cette aventure aux visées internationales.
En septembre dernier, André Garon était l’un des quatre conférenciers principaux invités par la Société de biomécanique à son 28e congrès, qui s’est déroulé à l’École nationale supérieure de mécanique et d’aérotechnique, située au Futuroscope de Poitiers (France). La Société regroupe 250 membres répartis dans 41 centres de recherche distribués en France, en Suisse, en Belgique et au Canada. La présentation de M. Garon a porté sur les micropompes posées en assistance ventriculaire.
Charles Désy
Collaboration spéciale