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Le recteur Robert Lacroix |
Il est grand temps d’amorcer un vrai débat sur les droits de scolarité à l’université, estime le recteur. Robert Lacroix n’esquivera donc aucune question s’y rapportant lorsqu’il sera interrogé au cours des prochains jours à la Commission parlementaire sur la qualité, l’accessibilité et le financement des universités.
«Il faut d’abord avoir un bon débat. Ensuite, le gouvernement verra ce que la population pense de cela. Il serait inacceptable de ne pas en discuter», a déclaré M. Lacroix au cours d’un entretien avec Forum la semaine dernière.
Pour sa part, le recteur favorise une hausse des droits de scolarité. Il précise cependant qu’elle devrait être effectuée «de façon intelligente», de façon différenciée. Ainsi, les droits pourraient être majorés davantage dans les disciplines où les diplômés sont assurés de gagner des revenus passablement élevés au cours de leur vie. Comme dans le secteur biomédical. En contrepartie, il faudrait faire attention à ne pas décourager les étudiants désireux de s’inscrire à des programmes ne conduisant pas nécessairement à des emplois très bien rémunérés.
«Oui, les étudiants qui gagneront des revenus substantiels grâce à leur formation pourraient contribuer davantage», estime M. Lacroix.
Cette suggestion en faveur du dégel des droits de scolarité ne fait partie ni du mémoire que l’Université présentera aux membres de la Commission parlementaire dans les jours qui viennent ni de celui de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, que préside M. Lacroix. Mais la question sera sur toutes les lèvres.
«Nous ne pouvons pas faire déterminer par les étudiants actuels les politiques et le sort des étudiants des 30 prochaines années», observe M. Lacroix en faisant allusion au refus de la majorité des associations étudiantes de considérer une hausse, même minime, des droits de scolarité. (Avec le «dégel» récent en Colombie-Britannique, le Québec est la seule province à maintenir ses droits inchangés.)
Mais quelle que soit la décision relative aux droits de scolarité, M. Lacroix estime primordial que l’État reste engagé de manière fondamentale dans le financement des universités. «Dans plusieurs provinces, les droits de scolarité ont monté et l’État s’est désengagé. L’État ne doit pas se désengager. Toute autre source de revenu doit aller à la bonification des nos établissements».
L’importance de la qualité
Le mémoire de l’Université mettra l’accent sur les conséquences concrètes du sous-financement. Il rappellera que l’accessibilité doit être une accessibilité à des formations de qualité.
«Nous donnerons des exemples concrets. Par combien de professeurs en moins, combien de livres en moins, combien d’infrastructures négligées se traduit le sous-financement? Combien de programmes sont sous-financés au point de compromettre leur reconnaissance nationale?»
M. Lacroix entend profiter de la tribune exceptionnelle que constitue la Commission parlementaire (le dernier événement du genre a eu lieu il y a 20 ans) pour faire savoir à quel point le sous-financement de nos universités est «un mauvais choix» dans un contexte où le savoir constitue la richesse de l’avenir.
«Nous allons démontrer que l’éducation et la recherche jouent un rôle primordial dans le monde d’aujourd’hui, affirme le recteur en ajoutant que le choc démographique auquel le Québec sera confronté sous peu pourra être atténué si les immigrants viennent ici en plus grand nombre, attirés par un Québec où il fait bon vivre.
Car, dans l’esprit de M. Lacroix, niveau de vie et santé des universités forment un couple indissociable.«Les écarts de revenus entre ceux qui possèdent une formation universitaire et ceux qui n’en ont pas ont presque doublé depuis 20 ans au Canada», rappelle-t-il.
M. Lacroix exprime de l’espoir quant aux échanges qui débuteront demain mais également des craintes.
«Je crains qu’après la Commission on dise que finalement les universités ne sont pas si sous-financées que cela. La qualité fichera alors le camp, c’est certain. Je le vois bien. Je me suis battu pour trouver des ressources et même en tenant compte de cela, si l’on se compare avec les autres, on ne tient pas la route.»
Paule des Rivières