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Richard Grégoire |
Qu’ont en commun
Les filles de Caleb, Léolo, Being at Home with Claude, Shehaweh, C’était le 12 du 12 et Chili avait les blues, L’enfant d’eau, Marguerite Volant, Ces enfants d’ailleurs, Le cœur au poing, Nuremberg, Napoléon, Pouvoir intime? Ces téléséries et ces films ont tous bénéficié du talent d’un des compositeurs de musiques de films les plus importants du Québec, Richard Grégoire. Ancien étudiant de la Faculté de musique, Richard Grégoire a reçu, le 22 février, le prix Jutra-Hommage 2004 pour sa contribution à la production cinématographique québécoise.
Formé de 1963 à 1968 à la Faculté de musique, notamment par Serge Garant, Richard Grégoire quitte le Québec à la fin des années 60 grâce à une bourse du Conseil des arts du Canada et du gouvernement français. Il se retrouve stagiaire au Groupe de recherches musicales de l’ORTF sous la direction de Pierre Schaeffer et suit des cours particuliers avec le compositeur électroacousticien Gilbert Amy. De retour au pays, malgré son désir de travailler au sein d’un studio d’électroacoustique, il plonge de nouveau dans le milieu de la musique populaire. Venu à la musique par ses expériences dans un orchestre de danse, il se plie volontiers à ce qui lui permet alors de vivre: «Comme j’avais appris l’écriture, on me demandait de faire des arrangements. J’ai fait de la télévision en tant que directeur musical dans des émissions de variétés, j’ai fait de la publicité, et c’est comme ça que j’ai fini par rencontrer des réalisateurs de films. Mais le métier de compositeur de musiques de films est venu relativement tard dans ma carrière», relate le musicien qui en situe les débuts en 1985.
Après avoir travaillé avec Lewis Furey, pour qui il signe les arrangements, notamment, de Maria Chapdelaine, il rencontre Yves Simoneau, qui l’invite à composer la musique de son film Pouvoir intime. C’est le début d’une succession ininterrompue de collaborations avec des cinéastes et réalisateurs qui le mènera entre autres à la célèbre télésérie Les filles de Caleb. «Je crois que c’est ce qui m’a fait le plus connaître», rapporte Richard Grégoire. Pour cette série, il dit avoir travaillé beaucoup plus sur la représentation du drame intérieur des personnages que sur la représentation des paysages, ce qui le classait d’emblée comme un compositeur de musiques de films à part, affranchi des clichés du genre.
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Marina Orsini et Roy Dupuis dans Les filles de Caleb |
Plutôt modeste, véritable travailleur de l’ombre, pas spécialement mordu de cinéma, Richard Grégoire a cependant une conscience aiguë de l’impact de la musique sur la perception de l’image. «J’ai toujours aimé écrire de la musique pour l’image. J’aime le résultat que ça produit, composer d’après une image et constater qu’elle se transforme avec la musique. Ça, c’est vraiment extraordinaire. C’est incroyable le pouvoir qu’on a, en tant que musicien, sur la perception des images." Le compositeur est aussi conscient, par ailleurs, de la nervosité des réalisateurs qui confient leur film à un musicien. Car "si la musique donne du pouvoir à l’image, elle peut aussi, dans l’autre sens, ruiner un film...»
Bien qu’il n’en soit pas à son premier prix (il a reçu un Félix et un Gémeaux pour Les filles de Caleb, et un Félix pour Marguerite Volant), le musicien avoue avoir été extrêmement surpris par l’annonce de son Jutra. «C’est très rare qu’un prix comme celui-là soit attribué à quelqu’un qui fait un métier de l’ombre. On sait bien que le cinéma, c’est du glamour, et la cérémonie des Jutra, c’est une émission de télévision, un spectacle quoi. Qu’on décerne un de ces prix à un musicien, c’est vraiment surprenant.»
À 59 ans, au seuil d’une retraite bien méritée, Richard Grégoire se dit satisfait d’une carrière qui ne lui a guère laissé de répit. D’autant que le dernier contrat n’a pas été de tout repos: «Napoléon, une télésérie de grande envergure produite par France 2, ça a été comme quatre films. Quatre heures de musique avec 75 musiciens et 50 choristes, ça fait beaucoup de notes à écrire!»
«À l’annonce officielle de ma retraite, les réactions sont étranges, commente Richard Grégoire. Les gens semblent se demander comment un musicien peut prendre sa retraite. Mais il faut savoir que c’est un métier auquel il faut se consacrer complètement. Quand les projets s’enchaînent, c’est du sept jours sur sept, presque 24 heures sur 24 puisque, même la nuit, on continue à penser à son travail. J’ai passé des années à composer du matin au soir. Mais je ne pars pas à regret, ma dernière contribution a été la plus importante de ma carrière.»
Dominique Olivier
Collaboration spéciale
Le 24 février, un disque consacré à des musiques de Richard Grégoire paraîtra sous étiquette Analekta. Cette compilation inclut les bandes originales les plus célèbres du compositeur.