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Diane Bisson |
«Le repas est un univers rempli de sens. C’est un temps d’apprentissage, d’échanges et de construction de liens familiaux et sociaux», affirme Diane Bisson, professeure à l’École de design industriel.
Anthropologue de formation, Diane Bisson s’est toujours intéressée au rituel de la table en tant que lieu de communication structurant nos liens sociaux. «La table est le miroir de nos vies, dit-elle. On ne peut concevoir des objets de table sans réfléchir au sens que prend pour nous le repas.»
Depuis une vingtaine d’années, ce rituel de la table serait en pleine mutation chez nous. «Nos habitudes culinaires se modifient au contact de la cuisine ethnique et la lecture d’ouvrages sur l’alimentation nous amène à rechercher une cuisine plus raffinée et plus saine. Ce renouveau dans notre rapport avec la nourriture entraîne une nouvelle ritualisation du repas. On recherche les découvertes culinaires et les restaurants offrent des présentations et des parcours gustatifs novateurs. Même quand on mange seul ou sur le pouce, le sens du repas n’est pas disparu.»
Montréal est d’ailleurs en train de se tailler une place de choix dans la gastronomie, qui est même devenue un des volets principaux du festival Montréal en lumière.
L’ethnodesign
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Le «plat cuillère» |
Combinant l’approche anthropologique et le design, Diane Bisson a voulu explorer ce nouveau rapport avec le repas en concevant des objets de table qui dépassent la seule fonction utilitaire et qui sont «anthropologiquement signifiants». À l’aide d’entrevues et d’observations participatives effectuées auprès de chefs cuisiniers, du grand public et même de patients d’hôpitaux, elle cherche à faire ressortir ce lien pour en tirer des plats de service, des couverts ou des ustensiles qui traduisent le rapport affectif et symbolique établi avec la nourriture.
«Le plaisir des sens est à la base de la gastronomie, souligne-t-elle. Les objets de table doivent donc stimuler le goût, l’appétit et le plaisir.»
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La «tour de dégustation» conçue par Diane Bisson. Un exemple de plat se prêtant au plaisir du parcours gustatif. |
La professeure ne cherche pas qu’à créer des produits originaux de consommation, elle mise plutôt sur des objets qui dureront, par leurs qualités, plus longtemps qu’une mode. Elle nourrit d’ailleurs des préoccupations écologiques; devant le gaspillage inconsidéré d’assiettes de styromousse jetables, elle travaille à la création de couverts comestibles.
Plats de dégustation
L’enquête de l’anthropologue designer a déjà porté ses fruits. Le mois prochain, elle présentera deux créations issues de ses recherches et destinées à la commercialisation. La première est inspirée d’une présentation offerte dans un restaurant espagnol et qu’elle a appelée le «plat cuillère». Au lieu de servir les tapas ou amuse-gueule dans de petites assiettes, on présente au client un plat composé de 22 cuillères de dégustation.
Diane Bisson en a tiré l’idée d’un plateau surmonté d’une dizaine de petites assiettes en forme de cuillère et pouvant contenir autant de mets différents. «C’est un exemple de plat se prêtant au plaisir du parcours gustatif», souligne la conceptrice.
La seconde création est la «tour de dégustation». Le service est constitué d’une série de petits plats empilés les uns sur les autres. Pendant qu’on goûte le premier mets, le plat sert de couvercle au deuxième, qui reste au chaud. Le tout est déposé sur une assiette à cannelures pouvant contenir des sauces ou des épices.
Ces services, de même qu’un autre ensemble haut de gamme d’assiettes ovales destiné à un public plus sélect, ont été réalisés grâce à la collaboration de la céramiste Louise Bousquet, qui a introduit la production de la céramique blanche au Québec.
Le but de ce vaste projet de recherche-création d’une durée de trois ans ne consiste pas seulement à produire des objets design. La professeure veut également développer à l’École de design industriel une spécialité en porcelaine et lancer cette industrie au Québec.
L’ensemble des productions qui découleront du projet fera l’objet d’une exposition accompagnée d’un volume qui présentera à la fois ces objets de table et les résultats des recherches fondamentales sur le rituel de la table.
Daniel Baril